2009 D’accord sur l’essentiel avec Ivan Rioufol.
Je veux simplement intervenir à propos de la réforme de la formation des maîtres.
Oui, les IUFM ont été une calamité, d’une part parce que le « pédagogisme » inspiré d’idées fumeuses témoignant d’une méconnaissance totale de ce qu’est l’enfant a engendré des directives pédagogiques complètement à côté de la plaque, d’autre part parce qu’à la sortie, les maîtres n’étaient pas formés. S’ils avaient été bien formés, serait-il besoin de leur asséner périodiquement des conférences pédagogiques creuses ? Les plus sages ont laissé pour compte cette pseudo-formation et agissent avec bon-sens dans la classe, ce qui limite les dégâts.
Jadis, les Ecoles Normales d’Instituteurs fonctionnaient parfaitement (au moins jusqu’en 68). On se demande pourquoi un pouvoir -socialiste !- en a décrété l’abandon. Il était possible, pourtant, de les adapter. Peut-on y revenir ? Ce serait, à mon sens, souhaitable, mais les excellents professeurs d’ENI que j’ai connus sont soit en retraite,très vieux, soit allés ad patres.Pourtant, je suis persuadé que l’esprit demeure chez ceux de ma génération, même si, pour la plupart, nous avons fait bien autre chose depuis.
Abandonner les IUFM, c’était nécessaire, mais pas pour faire cette fuite en avant qu’est la « mastérisation », c’est-à-dire confier aux Universités, dont ce n’est ni le rôle ni surtout la compétence, le soin de former les maîtres. Premièrement, contrairement à une idée utilitariste trop répandue, le rôle d’une université n’est PAS la formation professionnelle -il y a pour cela les IUT- secondement, à part ceux qui ont été maîtres d’Ecole au début de leur carrière, les enseignants de l’Université n’ont aucune connaissance de ce que peut être la pédagogie.
Pire : une « mastérisation », selon la règle, enchaîne la formation à la recherche. C’est tout à fait concevable, normal, dans les disciplines productrices de connaissances. Mais dans le cas de la formation des maîtres, je ne veux pas dire que la recherche c’est du vent, nôôôn ! Mais c’est.. léger ! C’est qu’en fait on ne peut pas s’appuyer sur une analyse scientifique de « l’enfant » qui romprait avec les sempiternelles théories épigénétiques (les « stades de développement »), avec une vulgate psychanalytique à la Dolto, ou avec ce qui sévit actuellement, c’est-à-dire le stupide mécanisme cognitiviste faisant de l’humain soit un rat de Skinner (entité purement biologique) soit un ordinateur.Avec ça, on n’est pas fauché ! A ceux que ce panorama effraie, je pourrais démontrer que le pédagogisme est un pur produit des délires cognitivistes, que l’on parle d’apprentissages sans même avoir pris soin d’examiner scientifiquement ce que sont l’apprentissage et l’imprégnation.
Indéniablement, ce dont je viens de dénoncer l’absence peut faire l’objet d’un programme de recherche, qui demandera du temps et donc ne sera pas immédiatement rentable. Mais pour l’instant, a-t-on le droit de connecter la formation des maîtres sur un savoir qui est encore à édifier ? Ce serait faire comme Cyrano : lancer des aimants en l’air pour s’attirer sur la Lune. Ce n’est pas, pourtant, la raison de céder au pédagogisme naïf qui prétend trancher entre méthode syllabique et méthode globale, en matière de lecture, par exemple.
Il y a à faire. D’une part lancer la recherche, d’autre part former des maîtres : si l’on procède intelligemment, les deux finiront par se rejoindre, mais certes pas dans l’immédiat. Pour l’heure, je souhaite que l’on réinvente des Ecoles Normales d’Instituteurs, sachant bien qu’elle ne pourront pas être la résurrection de celles que j’ai connues.
Sacha.