De natura vulcanorum

volcan2J’aime le spectacle des volcans. Leur puissance est celle de la Nature même : on peut toujours les surveiller en espérant pouvoir crier « au feu ! » en temps voulu, il est impossible de les empêcher d’exploser, de répandre laves et nuées ardentes balayant tout sur leur passage. Les peuples les plus sages, ceux des hommes vivant sur les pentes des géants et tirant bénéfice de la fertilité des scories, de l’énergie des sources thermales, ont raison de les considérer comme des Dieux et de tenter de se les concilier.

On spécule beaucoup, de manière très scientifique, sur les conséquences dévastatrices de l’explosion de quelque super-volcan tel le Yellowstone. On dit que les effets s’en feraient sentir sur toute la planète, entraînant l’impuissance des économies technologiques. Je l’admets volontiers, car il n’est pas même besoin d’un tel cataclysme pour prouver la labilité de nos sociétés dépendant de la technologie, la grande tempête de l’an 2000 ayant montré comment quelques arbres tombés sur des lignes à haute tension peuvent paralyser une région privée d’électricité.

Je me réjouis de ces leçons qui devraient rabattre le caquet des orgueilleux naïvement confiants dans la puissance de nos techniques, qui s’imaginent que parce qu’ayant apprivoisé quelques aspects de la Nature nous serions les maîtres du Cosmos. Péché d’orgueil, qui culmine en ce moment avec les délires de tous ceux, politiques, écologistes madrés, simples imbéciles, qui prétendent que l’Homo Sapiens, qui est aussi Homo Faber, serait capable de mettre fin aux cycles millénaires des périodes d’alternances climatiques, du chaud et du froid. Le sage sait que nous participons de la Nature, qu’elle est plus forte que nous et qu’il faut composer avec elle. Les fous croient la dominer ; plus dure sera la chute.

Les documentaires évoquant l’explosion d’un super-volcan se plaisent à montrer l’extinction progressive des lumières émises par les monstrueuses mégapoles, la paralysie des transports, des échanges de tous genres. Ce n’est pas invraisemblable, nous avons déjà constaté la perturbation du trafic aérien lors de l’éruption de l’Eyjafjöll en 2010. Je me suis toujours interrogé sur cette grégarité stupide qui pousse des masses humaines à s’amonceler dans les villes. Contrairement à l’Urbs romaine, laquelle, à part son forum et ses sept collines, regroupait surtout des villæ agricoles, les monstres urbains modernes entassent les hommes dans des boîtes à sommeil. Le danger d’y rencontrer les brigands y est plus grand que dans les antiques forêts de la Gaule Chevelue, surtout lorsque le Barbare est commensal au festin. On élève des tours de Babel de verre et d’acier ; point n’est besoin du choc d’un avion pour les détruire et tuer les occupants, une simple panne d’ascenseur suffit, cela s’est déjà vu.

Rendu fou par ce pouvoir de faire que lui confère son ars fabricandi celui qui croit au mythe de l’Homo Œconomicus a oublié la sagesse de Virgile : « O fortunatos nimium, sua si bona norint, agricolas ! » Les volcans, la tectonique des plaques, les tsunamis afférents se chargent de lui prouver que la Nature peut emporter une civilisation. La lave, les lahares, les vagues de fond détruisent ce que les Hommes devront reconstruire. Car il est une autre leçon à tirer des volcans. Les hommes habitués à fréquenter les volcans reviennent après l’éruption, même si le géant menace encore, er rebâtissent car là sont leurs racines. Seuls quelques imbéciles sans racines, gens en l’air, légumes hydroponiques ne survivant qu’avec des appareils, s’étonnent, voire ricanent devant l’obstination de ces villageois ; mais les sages, eux, n’abandonnent pas leur terre nourricière, quitte à côtoyer à chaque heure le danger, car là sont leurs racines, là s’opère la communion charnelle de l’Homme et de la Nature. Voilà ce que ne peuvent comprendre les cerveaux vides de la « Jetset » qui se sentent chez eux d’une mégapole étrangère à l’autre.

Je ne suis pas contre la technique, elle est la forme humaine d’adaptation au monde qu’elle transforme là où elle peut et comme elle peut. Mais ce pouvoir faire ne doit pas engendrer un n’importe quoi faire, il est des pouvoirs que doit modérer l’éthique, faute de quoi l’on commet ce que le chœur de la tragédie antique, Les Perses, appelait le crime d’hybris, atteinte à l’ordre du monde. De cette transgression criminelle nous voyons l’injuste excès dans le « transhumanisme » qui prétend « améliorer » l’Homme par l’emploi de prothèses et par l’eugénisme qui n’ose pas encore dire son nom. Cette prétention est ridicule. Elle culmine, perverse, dans l’emploi des techniques de GPA, PMA, et peut-être empirera-t-elle dans le clonage humain déjà rendu possible. Elle génère des folies « trans », les idéologies démentes du genre, l’utilisation d’hormones pour changer de sexe -du moins le croit-on, car malgré les Dr Mengele, XY et XX demeureront comme l’a décidé la Nature. Ces excès mettent en danger l’espèce humaine bien davantage que ne le font tous les volcans de la Terre.

L’hybris nous interconnecte sans nous faire communiquer, nous réduits à l’état d’individus classifiés et espionnés, surveillés. Heureusement, et il faut s’en réjouir, il y aura encore et toujours des Assange pour dénoncer les vilenies et des cyber-attaques pour détruire cette toile d’aragne qui nous emprisonne. Et, ma fois, si ici et là quelque volcan nous aide en cette entreprise salvatrice, ce sera un don de la Nature. Tout ce délire technologique visant non plus le service de l’humain mais son asservissement au marché est heureusement fragile et peut être anéanti à tout moment. Ce serait une libération, non un cataclysme.

Cependant, il n’y a pas que la Nature pour menacer les civilisations. Les ennemis civilisationnels sont bien plus à craindre, à commencer par l’islam. Et la décadence, aussi, est inscrite dans le devenir des civilisations ; nous en voyons assez les tristes manifestations pour en détailler ici les aspects multiples connus de tous. La différence d’avec les menaces naturelles, lesquelles nous forcent à louvoyer, est que les menaces de l’ennemi et de la décadence, sa complice obligée, n’ont rien d’un fatum puisqu’on peut les combattre et en triompher, au moins pour un temps historique donné. Si l’on doit demeurer stoïque en vivant près du volcan, le devoir de tout Homme est d’être combattif pour parer à la décadence. Il est sot de ne pas composer avec les volcans ; il est criminel de composer avec la décadence.

Patience ! Le char de l’État -bâti du même système que si le Père Ubu l’avait construit lui-même- navigue sur un volcan, aurait dit M. Prudhomme !

Sacha

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