Éléments de langage, éléments de verbiage

cheveche-athena-smallUn petit malin s’est amusé à reprendre les discours d’installation des premiers ministres successifs. Beaucoup ont été surpris de constater que tous utilisent ce que l’on appelle les mêmes «éléments de langage ». Moi pas du tout, sachant que les politicards sont incapables de rédiger eux-mêmes leurs discours et font appel à des rédacteurs, sortes de robots de jactance, et cela s’aggravera s’ils font appel aux logiciels tels ChatGPT.

Ce que je conteste, c’est que l’on parle d’éléments « de langage » alors qu’il s’agit d’éléments de propagande, ou plus prosaïquement d’éléments de verbiage.

Car les éléments du langage, cela n’existe pas physiquement comme existent les briques du Lego. Il s’agit simplement de rapports formels permettant de constituer abstraitement du Signe au sens saussurien du terme. Il y a des traits qui rendent distincts par exemple le [f] et le [v] comme sourde/sonore et les opposent également à tous les autres éléments du registre ; ces traits sont des éléments différentiels. Et ils entrent dans les phonèmes, éléments séquentiels, de telle façon que l’on peut formellement contraster le « feu » du « vœu » ou le « fer » du « verre », par exemple. Cela c’est pour le signifiant.

Pour le signifié, l’élément différentiel est le sème qui définit des valeurs minimales oppositionnelles, exclusives les unes des autres. Par exemple « je les vois » et « je ne les vois pas » opposent l’affirmation à la négation (respectivement zéro et zéro / négation (ne) et négation(pas)). L’élément séquentiel, le segment -improprement appelé « mot »- est l’unité indécomposable mais qui peut être constituée de fragments : « livre » est un fragment non-énonçable seul, il est sous la forme d’un « mot nominal » : le livre, ce livre, un livre, pour ce livre-là etc.

Voilà les éléments de langage, purement formels, immanents car ils ne dépendant pas du dictionnaire d’une langue donnée mais se retrouvent sous les espèces des réalisations dans toutes les langues (rhétorique). Tous les hommes font du signe, donc des éléments de langage, mais ils les réalisent différemment dans la parole. Cela demanderait évidemment un très long développement, mais mon but est de détruire la sotte formule des « éléments de langage ».

Si je parle « d’éléments de verbiage », c’est parce que la rhétorique des personnages appelés très improprement « communicants » (en fait leurs postures sont tout sauf de la communication, ce n’est pas même de l’interlocution ) se réduit à une combinatoire que sait désormais faire ChatGPT -lequel ne fait pas de Signe- de fragments rhétoriques acceptés piqués dans le dictionnaire d’une langue. Exemple : le même verbiage en rouge peut être complété en vert ou le vert peut venir d’un autre personnage formaté à l’exemple du rouge.

 illustration-exemple

 Sacha

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