Scène de chasse à l’Elysée

« Alfred ! Je te donne campo ce matin, j’ai à faire et affaires d’Etat ! » Il a l’air bizarre, Soliveau, mais c’est ordinaire ; il paraît qu’en ville certains le surnomment Normal 1er, or Bizarre n’est pas très Normal. Peut-être sont-ce les traces de coups de soleil reçus à Brégançon, ou quelque esclandre de Rottweiler,  dite provisoirement Madame de Maintenant, qui lui donnent cette mine renfrognée. Je fais mine de m’éloigner, et gagne une bouche d’aération, m’y faufile – c’est juste aux dimensions d’un pingouin. Je sais où bifurquer pour atteindre la grille qui donne au haut du bureau du Sire. Tiens ! Il n’est pas encore là, mais il y a déjà du monde : Pulpinard, Duflotte aux vertes lunettes, Bitaura, la mère Delille – elle a encore pris du poids, conséquence probable de sa participation à des iftars successifs – et Pulpinard. Je reconnais aussi, enveloppé dans sa coule, le sinistre messager de Terra Nova. A ses côtés se tient un autre personnage, dont j’appris par la suite qu’il représentait une autre officine factieuse, Tarte sur Câble – ou un nom comme cela.

Paraît le Roi : « Nous avons failli attendre ! » hurle la mère Delille, « oubliez-vous que l’exactitude est la politesse des rois ? » « Oui, glapit Pulpinard, et nous vous avons fait roi ! »

Décontenancé, Soliveau II balbutie des excuses. « Que me vaut céans votre visite ? » demande-t-il d’une voix mal assurée, « Aurais-je commis quel impaire ? ». « Votre Ministre de la Police ! vitupère Bitaura. Il tient des propos sans queue ni tête et agit en dépit du bon sens ! Nous l’avons céans convoqué pour qu’il s’explique ! » Le Roi, agacé : « Il ne sied qu’au Roi de convoquer les Ministres ! Au moins eussiez-vous dû mander mon fidèle Zayrault ! ». « Oh mais, mon petit bonhomme, coupa l’Eminence Grise terra-neuvienne, les Pairs de la Gauche sont au-dessus du Roi ne l’oubliez jamais ! Nous vous avons fait Primus Inter Pares, ce qui n’est qu’une clause de style signifiant que c’est Nous qui commandons ! Tenez-vous-le pour dit ! ». Pauvre Soliveau, il devient livide. Une  voix de stentor aviné – probablement la mère Delille – commande à l’huissier : « Que l’on introduise Monsieur le Ministre de la Police ! »

L’homme entra. « Vous voici donc, mon bon Valls ! Sachez que je ne suis pour rien dans cette comparution ! », murmura le Roi, embarrassé. « Silence !  éructa Bitaura, c’est à moi de parler ! Ne suis-je pas LA Garde des Sots ? » « Lagarde-Dessaux ? Si fait, Madame, reprit Soliveau, s’il vous plaît de changer de patrimoine, libre à vous ! Or donc parlez, puisqu’il vous sied de tancer mon Ministre ! ». Pendant cet échange saugrenu, le Ministre de la Police était demeuré de marbre, le regard assuré.

« Monsieur le Ministre de la Police, grinça Bitaura, en quel honneur avez-vous fait déblayer des camps de Roms et expulser lesdits ? »

« Parce que, Madame, la Police avait reçu notification d’une décision de Justice : notre devoir était de l’appliquer ! » répondit fermement le Ministre.

« Comment ! Une décision de Justice ! vociféra Duflotte, mais c’est du pur sarkozysme, ça ! Depuis quand applique-t-on de telles décisions ? Vous portez atteinte à une minorité visible ! »

Le Roi me surprit, car il reprit l’écolotte en la toisant d’un regard méprisant : « Madame Des Verts, il existe des Lois, et celle-ci doivent être appliquées ! Sinon il n’y a plus d’Etat ! » Ce fut un beau tollé. « Quoi !  dit quelqu’un, LA commissaireu européenneu à la Justice vient de placer la France sous surveillance ! » « Les Associations de défense des pauvres Minorités Opprimées ne cessent de dénoncer cette infâmie ! couina la mère Delille. « François, on n’a pas voté pour ça ! » tonna Pulpinard. « On n’appelle pas le Roi par son prénom ! coupa le Roi ! « La ferme ! » rétorqua Pulpinard.

« Madame des Médias, reprit calmement le Ministre de la Police en s’adressant à Pulpinard, je persiste et signe : s’il faut appliquer une décision de Justice, je le ferai ! Tel est mon rôle, telles sont les lois de la République ! » « Sarkozyste !  hurla Pulpinard ! « Il n’est pas étonnant que la droite vous félicite », dit l’Eminence Grise, approuvée par son complice de Tarte Sur Câble. « Oh bien mais ! Nous allons changer la loi, claironna Bitaura, et alors vous pourrez l’appliquer en toute conscience ! Mais pour le moment, Monsieur le Ministre de la Police, du doigté ! Vous devez surseoir à l’application, voire l’ignorer ! »

« Mon pauvre ami ! susurra le Roi,  que faire contre de pareilles furies ? Voilà un bien fâcheux incident. ». « Oh ! Vous, le petit Roi, demeurez à votre rang ! » claqua la mère Delille, « si j’avais été à votre place, comme il se devait, cela ne serait pas arrivé, car j’aurais mis plus de soin à choisir mon Ministre. Il aurai été issu de l’Immigration . » « Comme Madame Dati ? ironisa le Ministre de la Police ? A sarkozyste, sarkozyste et demi ! »

 S’ensuivit un silence glacial, au cours duquel six paires d’yeux fusillèrent le malheureux Ministre, qui n’en conserva pas moins sa fermeté. Enfin, Bitaura, se raclant la gorge : « Greum ! Greum ! Ce n’est pas tout, Monsieur le Ministre de la Police, dans l’affaire d’Amiens vous vous êtes collé une image de marque déplorable ! Qu’aviez-vous besoin de fustiger quelques malheureux justement indignés de la violence policière ? Vous faites honte à ce Gouvernement ! » « Exactement ! cacarda Pulpinard. Un de nos magnifiques députés a même déclaré que vous faisiez faire à la Gauche un pas de Guéan ! »

« Eh quoi ! rétorqua le Ministre d’un ton sec, devait-on passer sous silence l’incendie d’une école maternelle, le saccage d’un centre sportif, le vol et l’incendie de véhicules, des tirs à la chevrotine qui ont blessé dix-sept policiers ? Mais c’est l’ordre républicain qui est bafoué ! » L’Eminence Grise s’avança, menaçante : « Ne perdez jamais de vue cette vérité, Monsieur le Ministre de la Police, que ce n’est pas à vous, mais bien à Nous, de décider de l’ordre républicain ! » « Et selon vous, de quel ordre est cet ordre ? » demanda le Roi. Alors, l’Eminence Grise à Pulpinard : « Dis-lui, toi, moi j’peux plus ! »

Pulpinard : « Sachez que l’ordre républicain, nous sommes en train de le transformer. Priorité absolue à l’expression des Minorités, qui sont légitimement en colère, ordre de ne pas moufter quand elles s’expriment comme à Amiens, ordre de taire leurs débordements somme toute fort compréhensibles, valorisation de LA Religion et établissement de la Charia. En ce qui vous concerne, Monsieur le Ministre de la Police, cessez de vous tracasser davantage du sort de vos flics tués, blessés ou un peu molestés, que de celui des malheureux opprimés par le colonialisme républicain. Et traquez les souchiens fascistes qui osent encore se réclamer d’un Droit surranné ! »

Le Ministre se raidit. « En somme, vous me commandez une forfaiture ? » « Tout de suite les grands mots !  grogna la mère Delille. On vous demande seulement des accommodements raisonnables, c’est tout ! » « Heu.. Sont-ils bien raisonnables ? hasarda le roi. « La ferme ! » hurlèrent plusieurs.

« Sachez, Monsieur le Ministre de la Police, siffla l’Eminence Grise, que nous ne pouvons plus longtemps tolérer que les souchiens refusent de se conformer à notre programme de remplacement de population. On ne peut accepter qu’ils s’accrochent à leurs quartiers, comme cette Marie-Neige Sardin, au Bourget… » « Qui a une fois de plus été agressée et blessée au couteau ! interrompit le Ministre. Désolé, mon vieux, elle a été victime d’un délit ! » « Combien de fois faudra-t-il vous dire, Valls, craqua Bitaura, que les vraies victimes sont les agresseurs, et que les prétendues victimes sont des provocateurs ? »

« Décidément, Monsieur le Ministre de la Police, commanda l’Eminence Grise approuvée par son comparse, vous mettez trop en accord vos actes et vos paroles. Vous vouliez faire mieux que la droite pour assurer la sécurité des Français. Vous faites mieux, c’est-à-dire, selon nos critères, pire ! Il faudra vous soumettre ou vous démettre ! Allez, maintenant, nous ne vous retiendrons pas plus avant ! » « Et tâchez d’enlever le portrait de Clémenceau de votre bureau ! cingla Duflotte.

« Je ferai ce que me dictent la Loi et ma conscience ! » Le Ministre se retira, très digne. Après son départ : « Comment ? Un portrait de Clémenceau ? grinça la mère Dellile. « Oui, le Tigre. Quelle pire emblème ? pleurnicha Pulpinard. « Ben quoi, le Tigre ? essaya Soliveau, il n’était pas mal, ce gars-là. » « La ferme ! » conclurent-ils en quittant la pièce sans saluer le Roi. L’Eminence Grise lui décocha en partant : « Mon vieux, il va falloir songer à un remaniement ministériel ! »

J’étais ahuri par cette scène. Le malheureux Soliveau s’assit à son bureau, effondré. Un moment après, il se reprit quelque peu, et, selon son habitude, pianota en chantonnant : « Ah ! Les p’tit’ femmes, les p’tit’ femmes de Bity… » puis après un soupir : « Las pequeñas mujeres de Bity… Alfred ! Alfred ! Arrive, bête du Diable ! »

Alfred.

 

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