« Alfred ! Je m’ennuie ! » se plaignait le Roi. « Mais, Sire, n’avez-vous pas chaque instant le poids de l’État sur les épaules ? Voilà qui devrait vous occuper et éloigner de vous l’ennui ! » répondis-je. « Tout de même, Alfred ! Le rôle du Monarque est de monarquer. Le travail, c’est aux ministres de le faire ! » Imparable. « Il est vrai, Sire ! Vous avez trente-sept ministres en titre et quelque dix-sept secrétaires d’État. Cela vous laisse des loisirs. » « Certes, commenta Soliveau, et Valie est partie en courses place Vendôme… Et puis après avoir joué aux dames quelque cent quatre-vingt fois tous les soirs avec elle, regardé ensemble cent vingt fois Plus Belle la vie, consommé cent trente-huit fois de conserve le café du pauvre, pris seize bains, c’est un peu monotone, à force ! » Je fis mine de compatir. Le roi ajouta dans un soupir : « Et cet Élysée ! C’est d’un triste ! Ah ! Que le château de mon ami Bity est plaisant, à côté ! »
« Sire, de grands savants et philosophes, Pascal, Descartes, se divertissaient aux jeux des mathématiques. Que n’en faites-vous autant ? » suggérai-je sans rire. « Haque non point ! Pascal Descartes était un sagouin et de plus j’ai toujours été fort moyen en calcul ! » coupa Soliveau. « Je ne puis le croire, votre Majesté ! Je suis sûr que vous en remontreriez… » « Ah oui ! J’en remontrerais à un horloger, même à un prix Nobel de mathématiques ! » se vanta le Roi, oublieux de son aveu précédent. « Certes, vous triompheriez d’un prix Nobel, puisqu’il n’y en a pas en cette discipline, mais très sûrement tout aussi bien vous écraseriez un médaillé Field ! » flattai-je fort hypocritement. « Ah ! Field a eu une médaille ? C’est au triple saut, si je me souviens bien ! » « Vous voyez, Majesté, vous pourriez fort bien, vous aussi, gagner la médaille du triple sot ! »
« Et comment ! pigeonna-t-il, pose-moi seulement un problème, tu verras comment je sais le résoudre ! » Ouais mon gaillard, me dis-je à part moi, pour résoudre les problèmes tu te poses un peu là. Je dirais même que tu es Le Problème. Je résolus de commencer simplement et énonçai : « Un escargot doit escalader depuis le pied un mur d’un mètre de hauteur. Il avance de 50 centimètres par jour, puis se rendort ; mais la nuit, il redescend de 30 centimètres. Combien de jours lui faudra-t-il pour parvenir en haut du mur ? » Soliveau II se gratta le crâne, rajusta ses lunettes, puis énonça triomphalement : « Cinq jours ! » « Sauf votre respect, Sire, il le fera en moins de quatre jours ! » « Et pourquoi, je
vous prie, mon pingouin contestataire ? se fâcha le Roi, l’animal progresse de 20 cm par jour, puisqu’il recule de 30 cm tous les 50 parcourus. Donc ça fait bien 5 jours, soit 20 x 5 = 100 cm = 1 mètre. Que répondras-tu à cela ? » « Je répondrai que Votre Majesté oublie qu’au troisième jour, le mollusque est à 60 cm du parcours, et qu’au quatrième jour, s’il parcourt 50 cm avant la nuit, il aura atteint le sommet, car 60+50 = 110 cm » Un rire sardonique éclata de l’autre côté de la cloison. « Ah ! Valie est de retour ! Elle est cause que je suis bête ! ronchonna le monarque, mais ce n’était qu’un tour d’échauffement, ça ne vaut pas. Pose-m’en un autre ! »
Je ne pus résister à l’envie de le titiller. « Eh bien, Sire, vous avez projet de recruter soixante-mille enseignants dans la durée de votre mandat… » « Si fait ! coupa-t-il, il faut bien éduquer les petits immigrés et accessoirement les rejetons des indigènes. » « Je n’en disconviens pas, répondis-je, cependant vous avez annoncé un recrutement de 12 000 maîtres par an sur cinq ans.. » « Ce qui fait bien soixante-mille ! C’est incontestable, Alfred ! » « J’avoue, j’avoue, dis-je, et vous avancez un chiffre d’un demi-milliard par an pour financer l’embauche. D’où ma question : combien cela coûtera-t-il au contribuable, sur cinq ans, pour enrôler soixante-mille fonctionnaires ? » Le visage de Soliveau II s’illumina de son sourire tellement contagieux qu’il provoque assez généralement le fou-rire, et m’asséna (duc de Rivoli, 1758-1817) : « Deux milliards et demi, pardi ! » Je pris un air faussement éberlué : « Ah, tu vois, je t’en bouche un coin, non ? » « Hum… C’est en effet ce que vous avez dit à vos électeurs. Vous envisagez donc d’embaucher chaque année douze-mille nouveaux fonctionnaires et d’en licencier le même nombre ? C’est donc cela, la flexibilité de l’emploi ? » Le Roi se fâcha tout rouge : « Impertinent batracien croisé de léporide ! Bien entendu que je garde tout le monde ! A-t-on jamais vu un président de gauche licencier des fonctionnaires ? Malotru ! » « Que votre Majesté ne se mette pas en colère, mais plutôt qu’elle considère que la seconde année, vous allez dépenser 0,5 milliards pour les nouveaux recrutés et 0,5 pour les anciens, soit 1 milliard. Comme le calcul est récurrent… » « Voilà que tu me parles vaisselle et récurage des marmites ! » bêla-t-il.
« Je veux dire que le même raisonnement s’applique chaque année, regardez ! » Je fis sur le papier un rapide schéma. « Voilà, Sire, quel est le montant de la dépense sur la durée de votre mandat ? » « De mon PREMIER mandat, corrigea-t-il, les gens m’aiment tellement qu’ils ne pourront plus se passer de moi ! Eh bien, pour répondre à ta question incongrue, cela fait… » Il se mit à compter les rectangles : « Quinze demi-briques, soit hum… je pose tout et ne retiens rien… 7 virgule 5 milliards ! » « Voilà, fis-je, vous êtes très fort ! » Le monarque était un tantinet déconfit, et j’entendis un « Oh ! Le cancre ! » venu de la pièce d’à-côté. « Oui, mais ensuite, ça ne coûtera plus que 2,5 milliards par an ! » conclut-il joyeusement. « Je l’admets, mais en attendant vous allez augmenter la dépense publique de 7,5 milliards en cinq ans. » « Oh bien ! Je ne pouvais tout de même pas dire ça aux électeurs ! Heureusement, presque personne ne vérifie mes chiffres. Et puis au diable l’avarice ! Les dépenses, c’est maintenant, les économies pour plus tard. C’est ça, le changement ! » rétorqua-t-il. « Allez ! Un dernier, commanda-t-il, l’heure du thé approche et Madame n’aime pas attendre ! »
« Votre prédécesseur… » commençai-je. « Ah ! Le gredin ! » continua-t-il. J’ignorai l’interruption. « … se payait 19 331 euros mensuels. Il avait en tout 20 ministres et secrétaires d’État à 11 029 euros mensuels par tête de pipe. Votre Majesté a décidé de réduire Sa liste personnelle de 30% du montant de celle de son prédécesseur, ainsi que la liste de chacun de ses ministres et secrétaires. Vous avez 37 ministres et 17 secrétaires d’État. Première question : a) lequel des deux gouvernements coûte le plus cher par année ? b) Et sur le quinquennat ? Seconde question : quelle est, en pourcentage, la différence de dépense entre les deux gouvernements ? »
Le monarque eut l’air outré : « Mais c’est MOI qui coûte le moins cher ! 30% de moins ! » Une voix en coulisse : « Doucement, Cochonnet, pose les opérations et applique-toi ! » « M’agace, celle-là, m’agace ! » ronchonna le Roi. Néanmoins, il posa les opérations, à la suite de quoi : « Pour la question un petit a, c’est moi qui coûte le plus cher par an : 4 887 358, 22 euros contre 2 879 018,4 à l’autre agité. Soit sur le quinquennat, petit b, 24 436 791,10 contre 14 395 092. » « Parfait ! dis-je, et pour les pourcentages ? » Alors, d’une toute petite voix : « Ch’me rappelle pus comment qu’on fait ! » « Ah ! Ah ! Ah ! claironna la voix de Rottweiller, il faudra revenir en 4eme, mon ami ! »
Je bichais. « Sire, quelle somme prenez-vous pour le 1% ? » « Ben celle de l’autre sagouin, pardi ! Le 1% ; ça fait 143 950 , 92. Je sais encore diviser par cent, tout de même ! » « Bon, alors si vous divisez votre somme à vous par le 1%, ça donne ? » Il s’appliqua à calculer : « Houlà ! Ça fait 169,75% ! Je coûte 69,75% de plus que le gouvernement de l’ennemi ! Peste et baste ! » CQFD. Il demeura songeur puis : « D’un autre côté, c’est normal, y a des jeunots dans le gouvernement Zayrault, et puis plus on est de fous plus on rit. Un ministre compétent qui cumule n’est pas disponible, mais beaucoup de ministres moins compétents égale plus de disponibilité ! » J’admirai le raisonnement ! « Et puis j’avais des gens à caser, hein ! Il faut bien des amis, parce que des ennemis, au Parti, hein, il y en a plein ! » Enfin, philosophe « Bah ! Moscou-Vichy y pourvoira, et le contribuable paiera. » J’avais envie de lui jeter au nez qu’on veut bien payer pour un service, mais payer pour des tracasseries et du vent… Je me retins à temps.
« Cochonnet ! Le thé est servi ! » s’impatienta Rottweiller. En me quittant, Soliveau me prit par l’aileron « Alfred ! Tu connais maintenant deux secrets d’État ! » « Sire, je ne sais lesquels ! » « Allons, hypocrite ophidien ! Le premier secret est que nous roulons le peuple avec des chiffres faux… » « C’est en effet ce que l’on murmure en ville », dis-je. « Les ingrats sagouins ! C’est pour leur bien ! Le second secret est que je suis mauvais en calcul. Mais, sur tes plumes, ne le répète pas ! Motus et bouche cousue ! » « Je serai muet comme la tombe du Commandeur ! » promis-je. La preuve !
Alfred
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Chez Books on Demand (BoD)

Excellente approche anthropologique de l'immense différence entre les femmes Russes et les horreurs quérulentes à cheveux bleus de chez nous.

Livre truculent, dont il faut retirer " la substantifique mœlle". Lorsque tout fout le camp, que faire ?
À lire pour rire et réfléchir !
Très instructif. À méditer !
D'où viennent-ils ? Qu'ont-ils vu ? Quel est le combat ?
Pensée et testostérone !



Insigne des Masques Jaunes :
adoptez-le, portez-le !






Bon ! À vos portefeuilles !





ASSEZ DE BARBARIE !!!

et toutes les formes de fascisme dont le socialisme.
Notre "antikons" a le droit d'aînesse :)
Que de tels mouvements naissent chez nous et dans toute l'Europe !