Délire calendaire (pas de quoi en faire un fromage !)

Sa Majesté Soliveau le Second m’avait convié (il est des préfixes terribles !) à assister à une réunion de cabinet de la plus haute importance. Il s’agissait de fixer quelques dates cruciales de l’année 2013. Participaient la plupart des amateurs soi-disant ministres.

« Eh bien, mes chers amis, commença le monarque, il sied de fixer le rythme de l’année qui s’annonce. Elle sera placée sous le signe de heu.. ténia… ah : d’Euthénia, déesse de la Prospérité, selon les oracles… » « Sire, sauf votre respect, l’interrompais-je, le mieux serait de la placer sous le signe de Mammon, dieu de l’avarice, ou mieux sous celui de Mercure, ou, ce qui fait plus chic, d’Hermès, dieu des Voleurs. » Les ministres firent grise mine, mais le Roi, hilare : « Vous avez le sens politique, ô avisé pingouin ! Mesdames, messieurs, messieurs-dames, ainsi soit-il : que le Dieu de Bercy préside à cette année bénite ! » Puis, consultant ses notes : « Examinons en premier lieu la date du printemps ! »

Des conciliabules bruirent dans le bureau monarchique, puis Montambour proposa : « Nous suggérons le 20 mars ! » « Jour de la saint Herbert Marcuse ? Pourquoi pas ? » admit Soliveau. « Avançons ! les pressa-t-il, il faudrait fixer le 8 mai à un jour commode ! » « Et si on le plaçait un mercredi ? lança Débile Dufflotte, cela romprait le rythme infernal de la semaine. » Tous les présents en convinrent, d’autant plus que ce jour-là était la fête de Sainte-Victoire 1945. « Et l’été ? » demanda le Roi. « Ça ne serait pas mal qu’il tombe le 21 juin, jour de la saint Rudolf Hess », suggéra Moscou-Vichy. « Fort bien ! le félicita Soliveau, maintenant fixons le jour du 14 juillet ! »

Il y eut bien des discussions, certains pensant qu’il fallait l’avancer au premier décan du Cancer, la planète maîtresse étant la Lune, d’autres préférant le mettre à la fin du second décan. Laissant décanter la controverse, Soliveau préféra un dimanche, « toutefois, prévint-il, tout dépendra de la recommandation de nos chers électeurs musulmans. Car sachez qu’ils fixent le début du saint Ramadan aux alentours du 09 juillet, et que le 14 peut les gêner à jeûner. Nous demanderions alors à notre souverain Parlement un correctif calendaire. »

Ainsi fut décidé. L’automne fut décrété pour le 22 septembre, l’heure exacte étant à préciser en fonction des recommandations de Bercy qui fixe les augmentations de l’impôt et la date de versement du dernier tiers provisionnel. Avec l’automne officiel tomberont les feuilles mortes d’imposition. Le zélé Zayrault insista que pour des raisons humanitaires, qu’apprécieraient les travailleurs, le 11 novembre fût décrété le lendemain du 10, un lundi : « Voilà qui est propre à réduire les accidents cardiaques, qui ont la fâcheuse tendance de survenir les lendemains de week-ends », argumenta-t-il. « En sus, renchérit Bitaura, c’est le jour de Sainte-Victoire 1918. Pas que ça soye une grande sainte, mais quand-même, les petits ruisseaux petit à petit font leur grand nid ! » On opina opiniâtrement.

Il fut stipulé que les Français auraient le droit de se considérer en hiver le jour de la fête de Saint-Pierre Canisius, le 21 décembre, un samedi, afin d’inaugurer la série des fêtes, et que Noël, contrairement à la coutume chrétienne, tomberait un 25 décembre (mercredi). « Voilà qui est fort bon ! les congratula Soliveau, maintenant dites-nous, Monsieur des Phynances, à compter de quel jour les cochons de contribuables seront autorisés à ne travailler que pour eux-mêmes et non pour notre bel État ! » « Ah ! Sire ! Jadis, c’était à compter de la mi-août, c’était décidément trop romantique ! répondit Moscou-Vichy, désormais ce sera vers le 15 octobre, ce qui n’est que justice ! » « Excellent ! » jubila le monarque. Puis s’adressant à moi : « Dis-moi, précieux Alfred, n’avons-nous rien oublié ? »

« Sire, messieurs-dames, déclarai-je, je ne puis qu’être admiratif devant votre sagesse. On dit que gouverner, c’est prévoir, et, certes, vous avez donné à votre calendrier civil la dimension astronomique qui caractérise également le montant de la dette et celui de la dépense d’État. Cependant… » Tous se rembrunirent : « Cependant ? » « Cependant, repris-je, je crains que vous n’ayez oublié une donnée fondamentale ! » Or ça, môssieur le Pingouin, siffla le Naja, quelle est, je vous prie, cette donnée ? » « Celle-ci, Madame l’ophidienne : selon la sagesse populaire, il est dit des simplets qu’ils sont cons comme la lune. Or les simplets et les socialistes ont un point commun, donc les socialistes ont un point commun avec la Lune. Ergo : il convient également de statuer sur les phases de l’astre, ou au moins sur les dates de la pleine lune ! » « Je ne suis pas sûre d’avoir bien suivi votre raisonnement, sieur batracien, grinça le Naja, mais le fait est : il faut fixer les dates de la pleine lune ! » Ainsi fut fait, et très socialistement l’astre sera plein les 27 janvier, 25 février, 27 mars, 25 avril, 25 mai, 23 juin, 22 juillet, 21 août, 19 septembre, 18 octobre, 17 novembre et 17 décembre. Les heures étant laissées à l’appréciation des syndicats.

« Mesdames, messieurs, messieurs-dames, conclut le Roi, nous allons promulguer la loi, en précisant également que le lundi de Pâques tombera un vendredi 13 pour plaire à nos chers musulmans. Je vous remercie de votre participation, et déclare la séance levée ! ». Tous sortirent. Je demeurai un moment avec le Roi. « Eh bien, mon bon Alfred, n’est-ce pas une preuve que nous savons anticiper l’évènement ? » me demanda-t-il. « Si fait, si fait, Sire ! Je suis toutefois quelque peu étonné de constater que vos dates coïncident si bien avec celles déjà fixées par les astronomes pour le calendrier. » « Sachez, ô dubitatif lémurien, qu’il est un principe chez les gens de pouvoir : ce que nous ne pouvons contrôler, faisons mine de l’avoir provoqué. Ainsi faisons-nous ! » . Là-dessus nous nous séparâmes, car c’était l’heure du goûter royal, moi très perplexe : lorsque viendra l’heure de la déconfiture, Soliveau et sa coterie auront-ils le front de prétendre l’avoir provoquée ? J’en doute très fort.

Alfred.

 

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