La Conscience est un petit spectre malin : il a réussi à bricoler les lunettes du Roi, en les équipant d’un micro-récepteur FM dont l’écouteur, camouflé dans les branches, est un système à conduction osseuse. Cela lui permet, lorsque Soliveau est à portée suffisante de l’émetteur, de lui susurrer des sagouineries. Ce matin même, j’appris que la leçon de maintien était une fois de plus remise, au motif que Soliveau II devait se rendre au cabinet du professeur Alonzo Tromondada, son psy attitré. Je m’empressai de conter la chose à La Conscience, et de conserve nous nous faufilâmes en avance par les voies que vous connaissez bien à présent, afin d’observer la faune curieuse encore sur le divan.
S’y tenait pour l’heure Rottweiler. « …et même qu’un libertin a porté plainte contre moi pour détournement de fonds publics ! » geignait-elle, «un rombier nommé Guichard – j’ai froid – je crois, qui joue tout le temps au Casino… » «Huuuummmm … dites-m’en davantage » murmura Alonzo. « Ben y dit texto que impôts ‘ne peuvent servir à loger, nourrir, blanchir, vêtir, payer les voyages ainsi que le personnel d’une dame avec qui la nation n’a aucun lien juridique’ … Bref, que je suis une catin entretenue par l’argent du peuple et que… ». Elle fut inopinément interrompue par l’ouverture fracassante de la porte et une voix pleurnicharde : « Ah ! Docteur ! Au secours ! »
Alonzo Tromondada fut interloqué une fraction de seconde, puis : « Madame, vous m’en voyez désolé, mais Sa Majesté a la préséance. Je vous prie donc de nous quitter, mais demeurez en salle d’attente, je vous verrai dès que j’en aurai fini avec ce din… heu, avec le Roi ». Rottweiler quitta le divan, non sans décocher un regard noir au monarque, tout en grinçant entre ses dents : « Je te revaudrai cet affront. Ce soir, l’Auberge… ». Elle sortit en claquant la porte. « Étendez-vous sur le divan, Sire, et parlez-moi de vos tourments. » « Point donc ! dit le roi, considérez plutôt ma démarche ! » « Mais… Je ne cesse de la considérer, Sire, vous êtes le plus beau cas que je n’aie jamais rencontré ! » « Alors regardez bien ! » commanda Soliveau. Là-dessus, sifflotant d’une manière désespérément cacophonique la Marche Consulaire, il esquissa un pas martial : « De quoi ai-je l’air, Professeur ? » Tromondada réfléchit une seconde, puis le verdict tomba : « Aptenodytes patagonicus .»
Soliveau II parut soulagé : « Ouf ! J’ai cru un instant que vous auriez dit ‘un pingouin’ ! » « Ah ! Non ! commenta Alonzo, « le pingouin est appelé ‘Pinguinus impennis’ autrefois ‘Alca impennis’. Rien à voir ! » « Voilà qui me comble d’aise ! jubila le roi, ce cher Alfred n’y est pour rien ! ». Nous échangeâmes un regard complice, La Conscience et moi. Soliveau s’étendit enfin sur le divan : « Cependant… » « Cependant ? s’enquit Tromondada, ne vous sentiriez-pas un peu… comment dirais-je… privé de quelque chose ? » Le monarque demeura un moment à balbutier : « Pinguinus impennis, Pinguinus impennis, Pinguinus impennis… c’est drôle ! » La Conscience chuchota quelque chose dans le micro, et aussitôt : « Vous avez entendu, Professeur ? » « Quoi donc ? » « M’enfin ! ‘On’ a dit : ‘sans-pénis’ !!! » « Je vous assure, Sire, jura Alonzo, que je n’ai rien entendu ! » « Oh ! Alors, ce sont les Voix ! se lamenta Soliveau, depuis deux jours elles n’arrêtent pas de me tracasser ! »
« Ah ! » fit simplement Tromondada, en notant sur son carnet : « Hallucinations auditives. Confirme paraphrénie. ». Puis : « Nous reparlerons de ces voix. Pour le moment, pourquoi ‘sans pénis’ ? ». Soliveau se recueillit : « Je ne sais pas ! » « Mais souffriez-vous de quelque… disons… impuissance ? » « Ce n’est pas ça… à proprement parler… Quand je peux pas, Valy a recours à la stratégie du maître-chien. » « Vous m’en direz tant ! s’exclama le psy, vous voulez dire… » « Qu’elle me fait mettre à quatre pattes, muni d’un collier et d’une laisse, et qu’elle me puniiiiiiiiiiit ! » « Je vois ! » coupa Tromondada. Qui nota in petto : «Petit pénis et absence de phallus ; c’est elle qui a le phallus. Complexe de castration. » Puis : « Parlez-moi de pingouins ! »
Soliveau prit un air désespéré : « C’est la faute à la brune… », puis il se mit à chantonner : « Ce soir à la brume, nous irons ma brune, croquer des serpents… ». « Hummm…, fit le psy, voyons… brume…brune… serpents… dites-m’en davantage ! ». Tout de go, le monarque demanda : « Croyez-vous, docteur, que même dans la brume, Carla brunit ? » Un tantinet estomaqué, Alonzo murmura à part soi : « Oh ! Le beau cas ! » puis : « Vous venez de prononcer un nom… » « Ah ? Lequel ? » « Celui de l’épouse de votre prédéces… » « Ah ! La misérable ! rugit le roi, elle me ridiculise ! » « Comment cela ? » « Ce serpent me traite de pingouin !!!! » Tromondada eut de la peine à garder son impassibilité. La Conscience susurra : « Et si tu chantais ? » et aussitôt, le monarque : « Je DOIS chanter… » puis d’une voix de fausset :
« Il prend son petit air souverain
Mais je le connais, moi, le pingouin n’a pas de manière de châtelain.
Eh, le pingouin, si un jour tu recroises mon chemin,
Je t’apprendrai, le pingouin,
Je t’apprendrai à me faire le baisemain (…)
Ni laid ni beau, le pingouin,
Ni haut ni bas, ni froid ni chaud, le pingouin, ni oui ni non (…)
Tiens le pingouin t’as l’air tout seul dans ton jardin…»
Tromondada nota : « Chante très faux. Dérive identificatoire » puis : « Et vous pensez qu’il
s’agit de vous ? » « Et comment ! » se lamenta Soliveau, « Qui est châtelain, hein ! Qui est dans un grand jardin ? Qui est insignif… ». Il se tut, cependant que le psy notait : « Délire raisonnant, complexe de persécution. » « Donc… Vous vous prenez pour un alcidé ? » « Ben… depuis cette maudite chanson, les Voix ne cessent de murmurer : ‘Alcide, acide, le Cid… » « Et ? » demanda Tromondada. « Eh bien, des fois… Je me vois comme le pingouin de Linux, assis sur mon cul, à côté des paroles de la chanson ! ». Le psy nota : « Délire du logiciel bricolé. »
« Je vois… Et ces voix ? » demanda le psy. « C’est infernal ! » gémit le monarque. Puis, sur une idée subreptice de La Conscience : « Ou divin, allez savoir ! » « Mmmmm…. Dites-m’en plus… Y a-t-il des moments privilégiés où s’expriment ces voix ? Le jour ? La nuit ? » « Pas la nuit, la voix de Valy suffit à emplir l’âme, dit Soliveau d’un ton piteux, non, le jour, quand je suis au bureau avec quelqu’un de mes ministres… » « Bon ! Et que vous disent-elles ? » La Conscience murmura, et le roi : « Que je suis un roi d’Yvetot, peu connu dans l’histoire, se levant tard se couchant tôt, dormant fort bien sans gloire… » puis : « Elles viennent de parler ! » « Les Voix ? Pour sûr ! tremblota Soliveau, j’ai peur ! » « Rassurez-vous, le consola Alonzo, si elles sont divines, elles ne peuvent faire l’objet de vos projets ! » « Heu.. ? » « Oui, du mariage gay, car les voix du Seigneur sont impénétrables… », susurra La Conscience. « Oh ! Professeur ! » s’insurgea le monarque. « Qu’ai-je dit ? » s’étonna Alonzo . « Vous parliez du mariage des… » « Erreur !, corrigea le psy, je suis resté coi. » « Vous êtes resté… Quoi ? » «Je veux dire : je n’ai rien dit ! », asséna le psy péremptoire.
« Elles me bassinent, ces voix venues des faisceaux de rayons des âmes en examen… » « Ah ! Ce sont des personnes arrêtées ? » demanda Tromondada. « Non ! On n’arrête plus les délinquants, depuis Bitaura. Sauf les opposants ! » « Je vois ! » Et Alonzo nota : « Syndrome de Schreber. Fou à lier. » « Continuez ! » « Eh bien ! A Dijon, elles m’ont dit que je perdais mon temps, que personne ne m’aimait sauf les socialistes ! » « Vous êtes sûr que c’était des voix ? » « Pour sûr, les manifestants, c’était des ‘personnes faites à la six-quatre-deux’, des gens virtuels, quoi, passque personne de réel ne dirait ça ! » « Je vois, commenta Alonzo, c’est des âmes diaboliques. » « Voilà ! » fit Soliveau en une magnifique euréquation. Le psy nota : « Confirmation : paraphrénie. » Puis : « Dites-m’en plus ! »
« Eh bien ! Je fais la guerre avec guère de moyens ! Au Mali soit qui Mali pense. Bon, maintenant que je veux armer les fellouzes de Syrie, les voix chicanent ! » « Ah ? » fit Alonzo. « Oui, elles disent que faudrait être logique ! » « Et cela vous inquiète ? demanda le psy, comment ça ? » «Ben.. Elles disent qu’y vaudrait mieux s’occuper d’abord des Français. Je vous demande un peu ! Qu’on peut pas botter le cul des islamistes au Mali et les armer en Syrie… » « M’oui… proféra Tromondada pensif, cela ne manque pas de logique… » « Ah ! Professeur ! Ne vous y mettez pas vous aussi ! Vous me torturez ! » « Point du tout, sire, je ne suis pas Flechsig ! », le raisonna le psy. « Oh Mais, si ! hurla le roi, vous voulez me transformer ! Vous êtes complice de la Grande Déesse ! » « Qui donc ? » demanda Alonzo éberlué. « Celle qu’on appelle ici Rottweiler ! » Puis, mettant la main droite dans son gilet : « Je suis L’Empereur, et mon aigle volera de clocher en clocher jusqu’aux tours de Bamako ! »
Tromondada appela discrètement l’infirmier, lequel s’empressa de faire une piqûre au roi. « Traitement : hydrothérapie force douze, huit unités d’Halopéridol… » commanda le psy. Et à Soliveau : « Ça ira, sire ! Revenez demain, c’est important ! ». Alonzo demeuré seul nota : « Diagnostic confirmé. Psychothérapie s’annonce désespérée. » Puis il alla vers la porte : « Madame, nous pouvons continuer ! » « Grrrrr ! fit Rottweiler, il ne perd rien pour attendre ! »
La Conscience me donna une claque dans le dos : « Ben dis-donc, l’Alfred ! T’as eu chaud aux plumes ! »
Alfred
Ndr : Lire Mémoires d’un Névropathe de D.P. Schreber, éd. Du Seuil. Vous comprendrez la tournure de l’entretien… et de la politique socialiste.
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Chez Books on Demand (BoD)

Excellente approche anthropologique de l'immense différence entre les femmes Russes et les horreurs quérulentes à cheveux bleus de chez nous.

Livre truculent, dont il faut retirer " la substantifique mœlle". Lorsque tout fout le camp, que faire ?
À lire pour rire et réfléchir !
Très instructif. À méditer !
D'où viennent-ils ? Qu'ont-ils vu ? Quel est le combat ?
Pensée et testostérone !



Insigne des Masques Jaunes :
adoptez-le, portez-le !






Bon ! À vos portefeuilles !





ASSEZ DE BARBARIE !!!

et toutes les formes de fascisme dont le socialisme.
Notre "antikons" a le droit d'aînesse :)
Que de tels mouvements naissent chez nous et dans toute l'Europe !