Je m’y attendais, tout en espérant que les édiles ne seraient pas assez stupides pour en autoriser l’implantation. Peine perdue : j’avais oublié que des officines socialistes, camouflées en bureaux d’études, « conseillaient » maires et conseillers pour leur faire commettre des sagouineries aux frais des administrés. Et qu’en fin de compte, les édiles ne sont pas obligatoirement des gens intelligents. Loin de là : la preuve, il y a jusqu’à nouvel ordre une majorité de maires socialistes. Bref : retour du magasin dit « les Yakusa de la distribution », je virai plein nord afin d’amorcer la descente vers mon village, lorsque, scrutant l’horizon au nord-est, je les vis.
S’élevant au-dessus de la verdure du bocage, une flopée de grandes démanchées surmontées de strobe-lights, agitant stupidement en rond leurs trois bras. D’abominables et hideuses éoliennes avaient poussé subrepticement, enlaidissant le paysage. Incontinent je pestai contre les abrutis qui avaient consenti cette monstruosité juste pour assurer à leur commune une rente de situation. Car du point de vue efficacité énergétique, on repassera, lorsque l’on sait que l’industrie exige d’énormes flux constants d’énergie. Ici on fonctionne aux caprices du vent. Que survienne la bonasse ou l’aquilon, c’est égal, le coûteux et disgracieux engin se fout en rideau. C’est d’ailleurs pour ça, je pense, qu’on parle d’énergie « verte », très écolo, c’est-à-dire ruineusement farfelue.
Mais rien ne sert de vociférer, le mieux et de chercher quel parti l’on peut tirer de l’imbécillité politique. Or à défaut de produire sérieusement du courant électrique, les regrettables inconvenances écologistes peuvent devenir instruments de divertissement. Bien sûr, les faire exploser en un beau feu d’artifice serait tentant, mais le plaisir ne serait qu’éphémère. On peut éventuellement les couvrir de slogans : « Hollande, dégage ! », mais l’ascension du mât est problématique. Il advint qu’un soir la conversation tomba sur le tir aux pigeons d’argile : eurêka ! Le ball-trap exige une certaine habitude du tir à déflexion, tout comme la chasse. Et si… ?
Mais oui : l’insane moulin à vent permet de résoudre la convergence de l’équation horaire d’un mouvement de rotation avec celle d’un mouvement linéaire. Placer un projectile dans une pale nécessite de tirer avec un angle de déflexion de telle manière que s’opère la rencontre non fortuite de la pale et de la balle. Le problème est abstraitement facile à résoudre. Considérons une éolienne assez ordinairement ridicule, dont le pylône mesure 100 m de hauteur, l’axe de rotation du rotor étant situé à 55 m du sol, le rotor tripale étant d’un diamètre de 90 m. L’extrémité d’une pale positionnée à 90° de l’horizon est donc à 55+45= 100 m du sol. En général, ce machin tourne à 15 tours par minute. Le but du jeu est de couper l’extrémité d’une pale de façon à ce que l’engin produise un sifflement désagréable. Le schéma ci-dessous essaie (le dessinateur ayant bu un coup de trop) d’expliquer de qui se passe.
Donc, si ça tourne à 15 t/mn, ça fait ¼ de tour par seconde, donc ça parcourt 90° par seconde. Ce qui fait que ça se déplace de 1° en 1,4 centième de seconde ou 0,14 dixième de seconde (en arrondissant). Pas s’affoler, à cette vitesse angulaire, la vitesse linéaire en bout de pale n’est que de 70,69 mètres/seconde : on est loin de la vitesse du son, mais ça fait tout de même un sale bruit qui emmerde les riverains. Bon, ce n’est qu’une digression, revenons-en à nos punaises. Une pale se présentera normale à l’horizon chaque 1,33 seconde, puisqu’il y a trois pales.
Bien, maintenant, parlons du projectile. Pour ma part, j’adore la 30.06 Springfield, désormais en vente dans toute bonne armurerie. Elle est véloce. Si l’on considère un triangle rectangle de base 350 m (la distance du tireur au pied du pylône) et de hauteur 100m, soit l’extrémité de la pale normale à l’horizon, le père Pythagore nous apprend que l’hypoténuse sera de 364,01m, distance parcourue par le projectile pour atteindre l’extrémité de la pale. Comme la 30.06 avance à 820 m/seconde, il lui faut 4,3 dixièmes de seconde pour parcourir cette distance.
Voilà, on fera mouche lorsque les deux équations des vitesses, celle, angulaire de la pale et celle, linéaire, de la balle, s’annuleront. Plus prosaïquement, une fois le coup parti, la pale devra effectuer un parcours angulaire en 0,43 seconde pour atteindre la normale à l’horizon. Compte tenu de la vitesse angulaire, si x représente ce parcours en degrés, on doit vérifier l’égalité 0,14*x = 0,43. Cela donne x = 3°0’7’’ , l’angle de déflexion. Autrement dit, pour faire exactement « bing », il faut faire « pan » en visant un peu plus de trois degrés en avant de la pale. C’est ce qu’indique le secteur en jaune sur le schéma. Évidemment, ce n’est pas facile à apprécier au pif, mais avec de la pratique ça doit marcher. Ceux qui ne l’apprécieraient guère, c’est les aéropistrinophiles(1) barbus, chevelus et crasseux et les Edf-men, qui risqueraient de vous courir aux fesses, sauf si vous portez une carabine ; dans ce cas, ils en réfèreront aux perdreaux qui courront sus au chasseur de pales.
C’est donc à une épreuve de triathlon que nous convie le tir sur éolienne : épreuve d’adresse à la carabine, de course devant les cognes, de pancrace lorsque les forces du désordre, qui trichent constamment, auront réussi à vous coxer. Après, l’épreuve devient judiciaire, car les zautorités n’ont aucun sens de l’humour. Remarquez, c’est pas grave, le tout est de bien s’amuser, à peu de frais. Car tout le monde n’a pas la fortune nécessaire pour acquérir le matériel indispensable pour pratiquer la bercyclasie, sport dont je donne une idée dans l’animation ci-contre.
Raymond.
(1) Aéropistrinophiles : amateurs de moulins à vent. Néologisme gratuitement mis à la disposition du lecteur.
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