Seconde leçon sur le fascisme

MussolanchonDonc l’État, ainsi que le disait Mussolini, «est l’absolu devant lequel les individus et les groupes ne sont que le relatif. » Je vois les images de la manifestation de Quimper, et je lis : « Kreizennadur Pariz ER MAEZ ! » : « centralisme parisien, dégage de la Bretagne ! ». En même temps, le fasciste Mélanchon, furieux, appelait les Bretons à « être Jacobins ! » et à manifester avec ses complices gauchistes et verts en un autre lieu (manifestation sans succès, heureusement !) Le jacobinisme fut effectivement la forme première du fascisme sous la Révolution, laquelle avait commencé sous des dehors plutôt libéraux. Mais la révolte des Bonnets Rouges contre l’impôt, au XVIIe siècle, visait l’autocrate paranoïaque Louis XIV et son ministre Colbert. Je ne remonterai pas jusqu’à cette époque lointaine, mais que l’on se souvienne : « l’État, c’est Moi ». Et le centralisme date de cette époque, mouvement commencé par Richelieu. Cela correspond à la fin du pacte féodal : le roi n’est plus l’élu des grands vassaux, il est leur maître et le maître absolu de tous les sujets. Il se met en place des institutions que la Révolution reprendra à son compte, comme l’observait Tocqueville, en y rajoutant l’atrocité de son génie.

Ce sont moins les atrocités de la Terreur qui nous intéressent ici, que les décrets pris pas la Convention en matière d’économie. L’assignat existait depuis 1789 ; c’était au départ un titre d’emprunt d’État gagé sur les biens spoliés, dits « biens nationaux » ; en 1791, il est devenu monnaie fiduciaire, à cours forcé. Cet expédient fiduciaire a des conséquences graves : l’inflation s’installe rapidement, car l’État, toujours à cours de liquidités, donc dépensant plus que de raison, émet de la monnaie désormais sans commune mesure avec la valeur des biens spoliés. On punit donc de prison ceux qui vendent de l’or et des métaux précieux, et de mort tous ceux qui refusent l’assignat (1793), avec confiscation des biens et récompense aux sycophantes. Notons que la récompense aux délateurs fait encore partie, de nos jours, de l’arsenal de l’État.

Conséquence : dans l’été 1793, l’inflation est énorme et la pénurie s’installe. La Convention limite arbitrairement les prix (mai 93), les municipalités peuvent condamner à mort les « accapareurs ». En août 93, on interdit l’exportation des capitaux (mesure reprise partiellement sous Mitterrand), on dissout les sociétés par actions, on ferme la Bourse et les caisses d’escompte. Le 29 septembre 1793, c’est la « loi du maximum » portant sur le prix des denrées. On taxera le prix des grains. Il n’y a donc plus de libre concurrence ni même de libre entreprise : tout est réglé par l’État aux mains des Terroristes. Comme on a pu le voir maintes fois dès qu’ont surgi de telles mesures, le marché noir s’installe, et de nombreuses industries sont mises en difficulté. Cependant, la boulimie étatique n’a de cesse de croître : on va recourir à l’emprunt forcé sur les riches, à la spoliation des terres des « ennemis du peuple » (notion très élastique) et des « suspects » visés par le décret du 24 février 1794. En même temps s’établit l’assistanat d’État : les « indigents » sont recensés et reçoivent des « indemnités » prélevées sur les biens spoliés : « transfert aux patriotes indigents » des biens des « ennemis de la révolution ». Sans songer un instant à rendre la Personne, donc la responsabilité, à ces « indigents » : on leur donne du poisson, mais on ne leur apprend pas à pêcher.

On voit donc comment fonctionne le prototype révolutionnaire du fascisme : mise en œuvre d’une idée fausse : l’égalité « de nature », appelée à compenser les inégalités de culture, réalisée par la « redistribution ». D’où la spoliation révolutionnaire, qui, davantage encore que celle des biens fonciers et immobiliers, s’étend aux industries productives et à l’agriculture, et même à la libre circulation des grains qui pourtant était une pétition de principe dans les Cahiers de Doléances. D’où inflation, appauvrissement général, emballement de l’intervention étatique jusqu’à la tyrannie.

« Celui qui n’a que l’idée du prince sans celle du légiste ne connaît donc qu’une portion de la tyrannie, écrivait Tocqueville. Il est nécessaire de songer en même temps aux deux pour concevoir le tout. » Il est remarquable que nombre de Terroristes ont été hommes de loi, spécialement avocats : Robespierre, Saint-Just, Danton, Billaud-Varennes, Barère, Couthon, Pétion etc… Les contemporains sont, de nos jours, d’une autre caste, celle des énarques. Donc il nous faut nous interroger sur « l’esprit des lois ». Non pas sur l’esprit de la Loi, dont nous avons vu qu’elle naissait d’un contrat implicite ou implicite pour assurer un modus vivendi entre altérités structuralement irréductibles, mais bien sur l’esprit de la loi des légistes qui donnent au tyran (monarque ou pluriarque) les moyens de coercition pour priver le citoyen de son autonomie et de sa responsabilité. Frédéric Bastiat, dans La Loia su en démonter le mécanisme. Nous y reviendrons.

Si cependant la Révolution française a détruit un ordre ancien – qui n’était plus féodal depuis Louis XIV, en réalité -, si le léninisme appliqué a fait de même, cette destruction n’est pas nécessairement perceptible à l’avènement de cette version du socialisme qu’est le fascisme : dans bien des cas, elle ne se constate qu’à terme. Mais elle est bien intrinsèque au fascisme, et en la matière, je ne partage pas cette idée de Lew Rockwell pour qui le fascisme laisse la société intacte, même si tout est sous la tyrannie d’un appareil d’État puissant. De même, il ne laisse intacts ni la propriété privée, ni la bourgeoisie, ni les classes moyennes : conséquences de l’intervention de l’État dans tous les domaines de la vie. Dans le cas contraire, on n’aurait pas recherché chez Hitler une « régénération » raciale, on ne rechercherait pas chez nous le « multiculturalisme » : deux attitudes en apparence opposées, mais relevant d’une même utopie transformatrice. De même, les « classes moyennes » ne seraient pas en voie de paupérisation. Ou encore on ne chercherait pas à remplacer la morale par une hygiène (« fumer tue », « évitez les aliments salés et sucrés » etc…) ou une « tolérance » déviante.

C’est que derrière toutes les formes du fascisme – socialisme, communisme- il y a toujours le déni de l’anthropologie humaine et la volonté de façonner un « homme nouveau » : « la révolution consiste à aimer un homme qui n’existe pas encore », citation de je ne sais trop qui, lue sur le site gauchiste Canalblog, au milieu d’un fatras de sentences. De petits esprits qui se croient supérieurs  ne sauraient mieux avouer leur objectif : « Tous ont vu entre l’humanité et le législateur les mêmes rapports qui existent entre l’argile et le potier », constatait Bastiat. Pour modeler à leur façon ce qu’ils croient être l’argile humaine, ils commencent par  enrôler ce qu’ils pensent être le plus facile à contrôler : l’économique, en le pliant à leur idéologie. Avec, inévitablement, des résultats calamiteux, comme nous le verrons dans la prochaine leçon.

 Sacha.

Share
Cette entrée a été publiée dans A la Une. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Les commentaires sont fermés.