La machine à paupériser

pouletgrippeLa discussion commença ainsi : « Symptomatique : la moitié de la population couverte par une prestation CAF. » « - Oui, mais sans RSA, comment je vivrais ? » Ma contradictrice a vingt-huit ans. Elle est de cette génération née sous le socialisme mitterrandien et qui, même si la couleur politique des gouvernements a changé de temps en temps depuis lors, n’a en fin de compte connu que le socialisme. Je comprends : 11,7 millions de foyers (17,2 millions de citoyens supposés et 13,8 millions d’enfants, soit 31 millions de sujets), ont bénéficié en 2013 d’au moins un subside de la branche familiale –allocation logement, RSA, allocations familiales, aide à la garde d’enfant, allocation de rentrée scolaire. Ce qui, tout compte fait, représente 47% de la population (1).

Rien d’étonnant, donc, que nous soyons dans une situation inextricable. Une moitié de la population soutient l’autre moitié. Certes, d’un point de vue chrétien, c’est bien qu’il en aille ainsi : si tu as deux habits, donne-en un au claquedent d’à-côté. Ce point de  vue est aussi celui de tous les socialistes, étatistes, totalitaires. Cela semble juste aux gens à courte vue. C’est, pour citer Bastiat, ce qu’on voit. Mais en balance, il y a tout ce qu’on ne voit pas, et qui pourtant se manifeste par la déconfiture de notre société affligée du modèle français.

Car ce qu’on voit, c’est une formidable redistribution qui pour un temps encore semble assurer la paix sociale. Ce que l’on ne voit pas  c’est la relation entre cette redistribution, la dette colossale de l’État et l’insupportable pression fiscale appliquée à ceux qui produisent les richesses. Car cet argent redistribué ne tombe pas du Ciel : il est prélevé par l’impôt et les taxes, c’est-à-dire spolié aux citoyens. Ce que l’on ne voit pas, c’est que tout euro spolié, qui pourrait être employé à investir pour créer des richesses, est dépensé en pure perte. S’il en allait autrement, il n’y aurait qu’un petit volant de chômage correspondant au prix du travail sur le marché, il y aurait des investisseurs et des entreprises actives.

J’ai donc dû expliquer cela à ma jeune contradictrice, en lui démontrant ceci : si tu es contrainte de vivre du RSA, c’est précisément parce que le RSA existe. C’est-à-dire que tu vis dans la pauvreté à cause du système dont le but avoué est de combattre la pauvreté. Un système qui spolie une partie de la population et maintient l’autre partie dans l’irresponsabilité, encourage le laisser-aller, c’est une machine à paupériser. Il s’ensuit nécessairement la ruine générale de la société, et tous les palliatifs imaginables ne peuvent qu’aggraver le mal. Elle dut en convenir.

Je lui montrai que notre caste politique –de l’extrême gauche à l’extrême droite – ne raisonnait pas autrement qu’en les termes ayant engendré cette machine paupérisante, ne sachant rien faire d’autre qu’en ajuster les paramètres de fonctionnement. Il peut paraître juste d’aider l’autre à élever ses enfants, à les instruire, à payer son loyer et ainsi de suite. Mais si le résultat est, comme nous le constatons, une crise générale, un appauvrissement universel, la création artificielle d’une caste de non-personnes assistées, alors on voit bien qu’il y a là un vice fondamental, une injustice.

Qui donc, me demanda-t-elle, selon toi pourrait mettre fin à cela ? Je lui citai une fois de plus Bastiat : « Il y en a qui disent : c’est un homme de finances qui nous tirera de là. » J’ajoutai : d’autres parlent de l’intervention de technocrates. Mais je continuai à citer : « Je crois qu’ils se trompent.

- Qui donc nous en tirera ?

- Le peuple

- Quand ?

- Quand il aura appris cette leçon : L’État, n’ayant rien qu’il ne l’ait pris au peuple, ne peut pas faire au peuple des largesses. »

Ces largesses, ce sont les attributs visibles de la redistribution, allocations, subventions et prébendes diverses. Bastiat avait prévu l’objection :

« - Le peuple sait cela, car il ne cesse de demander des réductions de taxes.

- C’est vrai, mais en même temps, il ne cesse de demander à l’État, sous toutes les formes, des libéralités »

Là est bien la contradiction. Tant qu’une partie des gens voudra être protégée par la collectivité, sans faire l’effort de prendre ses responsabilités, tant que l’on paiera les ouvriers de la onzième heure autant que ceux de la première heure, et avec l’argent spolié à ces derniers, la machine infernale continuera son compte à rebours.

« Que faire ? » me demanda la jeune femme ? Je lui expliquai que dans ce pays, le libéralisme – le vrai, pas celui, faux, de la collusion entre l’État et les monopoles bancaires-  n’est pas de saison : on le vilipende depuis deux siècles. Que, dans ces conditions et du fait que l’on charge ceux qui ont créé le problème de le résoudre, mieux valait chercher un pays où les citoyens ne sont pas tombés dans la marmite étatique dès l’enfance. Il y en a.

Sacha.

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