Rien n’est gratuit que vous n’ayez déjà payé

TouraineCommençons par une citation de Frédéric Bastiat (Services privés, Services publics) :

« Quand, par malheur, en suivant l’école de Rousseau et de tous les républicains français ses adeptes, on se sert indifféremment des mots gouvernement et société, on décide implicitement, d’avance, sans examen, que l’État peut et doit absorber l’activité privée tout entière, la liberté, la responsabilité individuelles; on décide que tous les services privés doivent être convertis en services publics ; on  décide que l’ordre social est un fait contingent et conventionnel auquel la loi donne l’existence ; on décide l’omnipotence du législateur et la déchéance de l’humanité. »

Cette pratique sociale porte le nom de fascisme, comme je l’ai montré dans mes quatre Leçons. Si mon propos commence ainsi, c’est que la dame Touraine, Marisol, veut accomplir un pas de plus dans le socialisme au moment où l’enjeu est précisément de revenir à l’autonomie et à la responsabilité des citoyens. Précisons que ce ministre a très exactement un pedigree de gauche : fille du sociologue Alain Touraine – grand partisan du voile islamique et chef d’une association gauchiste, « À gauche en Europe »- et d’une dame Avenas Pizzaro – dite « chercheur », mais dont je suis bien en peine de citer une découverte -, élève de l’École Normale Supérieure – fabrique de songe-creux.

Or donc, ce ministre a claironné dans Le Monde du 20 juin dernier : « Les Français ne paieront plus chez le médecin. » Comprenons : on va généraliser le tiers-payant. Inutile d’évoquer le surcroit de bureaucratie que ne manquera pas d’entraîner une telle mesure : les médecins et les caisses d’assurance maladie n’y retrouveront pas leurs billes. Mais surtout, l’on veut faire croire aux citoyens que désormais les actes médicaux seront gratuits, le patient n’ayant plus idée du prix de la consultation. Ainsi que l’explique très bien J.Y. Naudet sur le site libres.org (Source), « Entre déresponsabilisation des patients et dévalorisation symbolique, la fin du paiement à l’acte signe l’étouffement administratif de la médecine libérale. » Il est inutile que je reprenne tout l’argumentaire de l’article, avec lequel je suis entièrement d’accord : lisez-le.

Longtemps avant Friedman, cité dans l’article, Bastiat avait démystifié la supercherie : « A la vérité, le mot gratuit appliqué aux services publics renferme le plus grossier et, j’ose dire, le plus puéril des sophismes. ­J’admire, pour moi, l’extrême gobe-moucherie avec laquelle le public se laisse prendre à ce mot. Ne voulez-vous pas, nous dit-on, l’instruction gratuite, les haras gratuite?

­Certes, oui, j’en veux, et je voudrais aussi l’alimentation gratuite, le logement gratuit si c’était possible. ­Mais il n’y a de vraiment gratuit que ce qui ne coûte rien à personne. Or les services publics coûtent à tout le monde; c’est parce que tout le monde les a payés d’avance qu’ils ne coûtent plus rien à celui qui les reçoit. »

C’est une vérité première, qui échappe presque totalement au peuple. Car, n’en doutons pas, il y aura deux catégories de personnages pour applaudir à la mesure imposée par Marisol Touraine : les démagogues et les naïfs. Je fais l’hypothèse que ces derniers seront les plus nombreux, tant il est vrai que la courte vue est le défaut au monde le mieux partagé.

Examinons la chose de plus près. Il est évident – nous l’avons dit et démontré ici maintes fois – que le système de sécurité sociale obligatoire et basé sur la seule redistribution avec, au passage des prélèvements financiers pour faire fonctionner la pompe à finance, est vicié dès le départ et ne peut qu’entraîner à terme un déficit. Comme il s’agit d’un service public, le citoyen est deux fois sollicité : par ses cotisations obligatoires (part patronale + part du salarié qui sont en fait deux ponctions sur un même travail) et par l’injection de fonds publics pour tenter de combler le déficit, comme on essayait de remplir le tonneau des Danaïdes.

«Si l’intervention de l’État nous enlève le gouvernement de nous-mêmes, relativement aux services que nous en recevons, disait Bastiat, il nous l’ôte bien plus encore quant aux services que nous lui rendons en retour. Cette contrepartie, ce complément de l’échange est encore soustrait à la liberté, pour être uniformément réglementé par une loi décrétée d’avance, exécutée par la force, et à laquelle nul ne peut se soustraire. En un mot, comme les services que l’État nous rend nous sont imposés, ceux qu’il nous demande en payement nous sont imposés aussi, et prennent même dans toutes les langues le nom d’impôts. » C’est cela même, quod erat demonstrandum.

Maintenant, la mesure, outre qu’elle aura nécessairement des conséquences quant au creusement du trou de la sécurité sociale, aura également deux conséquences perverses. La première sera la fin de la médecine libérale : payé par les Caisses, le médecin ne sera plus guère qu’un para-fonctionnaire. On connait assez les vices de la fonction publique – indolence et irresponsabilité – pour penser que le service du soin ne pourra que se dégrader. « ­Les citoyens nomment des mandataires, dit Bastiat. Ces mandataires réunis décident, à la majorité, qu’une certaine catégorie de besoins, par exemple, le besoin d’instruction, ne sera plus satisfaite par le libre effort ou par le libre échange des citoyens, mais qu’il y sera pourvu par une classe de fonctionnaires spécialement délégués à celle œuvre. Voilà pour le service rendu. Quant au service reçu, comme l’État s’empare du temps et des facultés des nouveaux fonctionnaires au profit des citoyens, il faut aussi qu’il prenne des moyens d’existence aux citoyens au profit des fonctionnaires. Ce qui s’opère par une cotisation ou contribution générale. » Nous serons donc sommés de payer de nouveaux fonctionnaires déguisés, sans pouvoir en attendre, en retour, un véritable service.

La seconde sera évidemment la déresponsabilisation du citoyen accidentellement poussé au rôle de « patient ». Imaginez la gratuité totale des transports publics urbains – ce que des fous du PS avaient imaginé sous Mitterrand - : alors vous pourriez user et abuser du service et vous déplacer sans que nul besoin ne vous y pousse. Déjà les allocataires de la sécurité sociale usent et abusent du système. On sait que les Français sont de grands consommateurs de « santé ». Certes, les Américains, grands peureux devant l’Éternel, dépensent 5 805 $ par tête, mais dans un système de médecine libérale. Libre à eux : c’est leur choix, et il serait mal venu de leur en faire reproche. Mais juste après arrivent les Pays-Bas (11,9% du PIB) et … La France (11,6%). Elle, dans un système étatiste basé sur la spoliation.

« En République tchèque, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Japon, en France, en Slovénie et en Allemagne, les assurances sociales financent 70 %, voire plus, de l’ensemble des dépenses de santé, ce qui en fait la première source de financement. Ce n’est qu’au Chili (45 %), au Mexique (47 %) et aux États-Unis (49 %) que la part du financement public dans les dépenses de santé est inférieure à 50 %. » (source). Bref : on consulte pour un rhume, ou pour des peccadilles, bien plus que pour de vrais troubles. Alors, la porte est ouverte à tous les abus.

Mais il en va ainsi sous le socio-fascisme. Je laisse la conclusion à Bastiat : « En un mot, la tactique consiste à présenter comme services effectifs ce qui n’est qu’entraves; alors la nation paie non pour être servie, mais desservie. Les gouvernements, prenant des proportions gigantesques, finissent par absorber la moitié de tous les revenus. El le peuple s’étonne de travailler autant, d’entendre annoncer des inventions merveilleuses qui doivent multiplier à l’infini les produits et…d’être toujours Gros-Jean comme devant. »

Sacha

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