Embrouillamini

hiboux025J’avoue ma perplexité… pardon, ma perplexitude pour demeurer dans le ton du jour. Je disais il y a des années, à l’avènement de Sarkozy, que nous jugerions la valeur de ses actes aux critiques ou louanges que pourrait lui décerner la  gauche. Je suivais en cela le précepte d’un obscur philosophe marxien, Bebel, qui disait à peu-près : « si l’ennemi de classe m’approuve dans mon actions, c’est que j’ai commis une erreur ». Or durant l’administration Sarkozy, aucune mesure économique ou politique prise n’a reçu d’approbation de la part des gauchistes. Ce qui aurait voulu dire ipso facto que Sarkozy faisait bien. Manque de chance : s’il y eut de bonnes mesures, comme par exemple exempter les heures supplémentaires de prédation fiscale, il y eut surtout des demi-mesures et de très mauvaises – comme le traité de Lisbonne. Donc le principe de Bebel n’est pas universel. CQFD.

Maintenant, privé de cette boussole somme toute assez fausse, je me pose des tas de questions. Par exemple : comment se fait-il que Valls, à la réunion du MEDEF hier, ait bénéficié d’une ovation debout (in English : a standing-ovation) après son discours où il a affirmé adoooorer les entrepreneurs ? Et comment comprendre que, contradictoirement, des tas d’entrepreneurs regrettent Montebourg, socialiste sectaire ? Un monde de fous ! Cela dit, le MEDEF n’est pas une organisation regroupant tout le secteur entrepreneurial, il s’est trop souvent compromis avec la gauche de la droite et la gauche de la gauche. Nicolas Doze avance que simplement c’est parce que Valls, en nommant Macron à l’économie & industrie, ne ferait que commencer à concrétiser le « pacte de responsabilité » promis en décembre 2013 et réaffirmé en janvier 2014. Ce pacte (à mon avis très insuffisant) devrait être profilé dans le cadre de la loi de phynance (je tiens à cette graphie ubuesque !) 2015. Fort bien, c’est une hypothèse parmi d’autres.

Je pense que ce paradoxe n’intervient que parce que plus personne, dans cette pétaudière, ne sait plus à quel saint se vouer. Moi, libéral « libertarian », qui sait que toute action de l’État en matière économique est nuisible, j’en arrive présumer que Valls et sa bande de Bercy sont de bonne volonté en matière d’économie. Pour la bonne raison qu’un nouvel échec enterrerait la gauche pour au moins une décennie, sinon deux. Ils ont donc tout intérêt à obtenir quelques résultats en suivant, d’assez loin il est vrai, l’exemple de pays qui se redressent comme l’Angleterre et l’Espagne. Pour cela, ils ne peuvent qu’assouplir le droit du travail, libérer le peuple et les entreprises du carcan fiscal qui les étouffe, tabler sur des rentrées d’impôts consécutives à une reprise de la croissance et non sur une augmentation de la pression fiscale.

Je ne nie pas que Valls et Macron (en dépit des suspicions qui pèsent sur eux, comme l’a montré Raymond) aient compris ce qu’ils devraient faire a minima, voir à leur corps défendant. Ce serait certes très insuffisant mais au moins il y aurait un effort. Et cela oriente la boussole du MEDEF. Mais il y a un hic (« there’s the rub ! disait Hamlet). Il y en a même deux. Le premier est Hollande lui-même, qui suit volontiers la politique du chien crevé au fil de l’eau et continue à louvoyer en espérant rassembler un parti socialiste explosé. Lui peut, sous la pression des extrêmes, inopinément changer de cap. Le second est la gauche. Elle ne représente plus grand-chose, seulement 14% des exprimés aux dernières européennes, elle va perdre les conseils généraux et le Sénat, mais elle dispose toujours d’une majorité artificielle à l’Assemblée. Et cette majorité est fragmentée : les écologistes mécontents de ne pas voir leurs plans de régression mis en œuvre, la gauche du PS et l’extrême gauche stalinienne mécontentes de l’abandon apparent de la ligne soviétique.

Ces gens-là peuvent mener une vie parlementaire dure au gouvernement. Mais sur des détails seulement, car chacun de leurs députés sait bien qu’une dissolution le priverait de son siège. Relativisons donc le risque parlementaire. En revanche, le risque de désordres sociaux, téléguidés par eux et mis en œuvre par les syndicats de lutte des classes, aggravés par les groupements fascistes d’extrême-gauche, est une hypothèse raisonnable. Ce que la gauche stalinienne ne peut faire au Parlement, elle le fait dans les entreprises et dans la rue. En conséquence, l’équipe Valls-Macron risque avoir une peine infinie à faire frémir (plutôt que bouger) les lignes.

Patriote, je ne souhaite donc pas l’échec économique du tandem Valls-Macron, car la situation est tellement épouvantable que même une toute petite embellie ferait du bien au pays tout entier. Mais je préfèrerais évidemment une équipe de libéraux, de véritables libéraux, qui aurait le courage de procéder aux réformes drastiques indispensables. Cette équipe n’existe pas encore, et ce n’est ni le FN, dont le programme économique est celui du Front de Gauche, ni l’UMP qui se délite et s’enlise dans les délires de Juppé, qui peuvent la fournir. Pourtant les compétences sont là : hors des partis politiques.

En revanche, je souhaite l’échec idéologique et politique d’un gouvernement qui compte parmi ses membres des ennemis de la France, j’ai nommé Taubira et Belkacem. Ce sont les pics de la courbe, mais il y a foule de gens aux idées délétères et dont on ne parle qu’occasionnellement, dans ce gouvernement. Hollande ne peut pas se défaire des délires inspirant les détestables réformes « sociétâââles ». Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’il les approuve, je pense plutôt que, comme le bourgeois Chrysale des Femmes Savantes, il subit la tyrannie d’un Trissotin terra-neuvien inspirant ses Philaminte, Bélise, Armande. Si l’on veut être chef d’État, il faut un État (nous n’en avons que trop !) et être un chef. Il n’en a pas l’étoffe.

Alors quoi ? Il n’y a personne à droite pour récupérer. La pire crasse que pourrait faire Hollande à la droite d’appareil serait de dissoudre l’Assemblée et l’obliger à gouverner. De plus, n’y a pas de grande force libérale pour bousculer le régime. La situation est dangereusement embrouillée.

Sacha

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