Maurras, donc. Le fait qu’une bande de cuistres progressistes, donc décadents, le voue à la damnatio memoriæ ne pouvait que m’encourager à le lire. On va commémorer les débordements gauchistes de « mai 68 », mais on enferme un penseur dans les ténèbres au prétexte fallacieux qu’il aurait inspiré Pétain. Nous vivons toujours sous l’idéologie communiste de la fin des années 40, devons-nous croire. La preuve : notre drame de Paris, l’amère Hilda Goth, refusait la sépulture parisienne à un auteur « royaliste », Michel Déon. Qu’elle est belle, la Gueuse qui s’imagine que tout commença -et surtout l’holocauste- avec Robespierre, alors que tout risque de sombrer dans l’abîme avec elle !
Le seul auteur de l’Action Française que j’avais lu jusqu’ici est Jacques Bainville. Quel esprit pénétrant ! Son analyse des Traités de 1919-1920 et l’avertissement qu’il adressait alors à l’Europe s’avérèrent tragiquement justes, comme on le sait, et la leçon est toujours valable pour nos temps de chaos. De Maurras, on parlait parfois, mais ses œuvres n’ont guère été rééditées. On les trouve encore d’occasion, par exemple ses Idées Politiques, mais à un prix inaccessible à ma pension de retraite spoliée par les impôts macroniques. Je suis tout de même parvenu à trouver une édition fac-simile de L’avenir de l’Intelligence, publiée aux États-Unis.
Autant l’avouer : ce style soigné, cette langue Française très pure, rendent l’ouvrage illisible à la génération des « textos » biberonnée aux âneries numériques. Quant à nos pseudo « élites » ne sachant que « locupléter de la redundance américonne », s’il leur venait par miracle quelque envie de le lire, ils n’y entreverraient goutte, tant l’esprit leur est refusé.
En parcourant L’illusion constituant la première partie de l’ouvrage, je retrouve chez Maurras la prescience d’un Bainville. Il s’agit de cette « république des lettres » qui avait alors connu sous la Révolution « le plus haut point de dictature littéraire » et demeura tout au long du XIXe Siècle « cosmopolite et égalitaire », continuant les divagations de la philosophie du XVIIIe. « Ainsi, écrit Maurras, tout ce qu’entreprenait d’utile ou de nécessaire la Force des choses, l’Intelligence littéraire le dévoyait ou le contestait méthodiquement. » Plus loin : « le romantisme avait produit une littérature de cénacle et de révolution. ». À la charnière du XIXe et du XXe, l’instruction primaire et la caserne offrent un nouveau public. « On pourra simplifier et généraliser les modes de lecture, au moyen de graphophones perfectionnés. L’essentiel en demeurera. » Mais… Nous y sommes ! Lisez : « La médiocrité est le partage des meilleurs marchands de copie. (…) » Ceux-ci, pour subsister, « reviennent à la servitude, au parasitisme, à la déconsidération. » Ce ne sont pas des parents pauvres que soutiennent quelques mécènes, « ce sont des intrus qu’on subventionne par sottise ou par terreur. » Voilà déjà brossé, dès 1905, le portrait de la caste médiatique contrainte « à échanger un peu de son franc-parler contre de l’argent. » Ancilla ploutocratiæ ! La servante de la ploutocratie fustigée par un homme clairvoyant.
Cette vocation ancillaire des médias va très loin, jusqu’à la trahison. Sous le Second Empire, les idées étaient déjà formatées favorablement envers l’unité Italienne, et une certaine presse propagandiste stimulée « par de larges distributions d’or anglais » en rajoutait. Mais le pire fut le soutien à la Prusse lors de la guerre austro-prussienne : « Certes la presse libérale gardait encore de puissants motifs de réserver toute sa faveur à la Prusse, puissance protestante en qui revivaient, disait-on, les principes de Voltaire et de Frédéric. » Mais le développement berlinois inquiétait, le péril était tout de même évoqué à la tribune et dans les grands journaux. Alors « le fonds reptilien formé par M. de Bismarck s’épancha. La Prusse eut la paix tant qu’elle paya, et quand elle voulut la guerre, elle supprima les subsides. Rien n’est mieux établi que cette participation de publicistes français, nombreux et influents, au budget des Affaires étrangères prussiennes. » De nos jours, rien n’a changé, en outre quelque métèque aventurier peut s’acheter impunément un grand journal ou une chaîne télévisuelle. S’étonnera-t-on, alors, de la dégradante propagande en faveur de l’invasion et des efforts pour cacher l’islam derrière la stupéfaction causée par le terrorisme ? Et de l’atlantisme, de l’européisme ? Du mondialisme ? Le ver était depuis longtemps dans le fruit. Ancilla ploutocratiæ ! Les hommes d’affaire « se sont assuré la complicité révolutionnaire. » Ledoux et Drahi possèdent Libération. En fin de compte, prévoyait Maurras, « le bon parti aura ses Vallès, ses Mirebeau, hypnotisés sur une idée du bien et du mal conçue sans aucune nuance, appliquée fanatiquement. Nous y sommes, vous dis-je.
Je respecte ce que Maurras écrivait à propos d’Auguste Comte, dans la deuxième section de l’ouvrage, mais ne partage pas son admiration pour la « religion positiviste ». Admiration excusable : on avait asséné pendant 1900 ans que la religion était mère de la morale. Le Décalogue et bien d’autres règles étaient introjectées dans les esprits, et la transcendance, Dieu, était le juge du Bien et du Mal, rémunérateur et vengeur. C’était ennuyeux pour Comte comme pour Maurras qui avaient perdu la foi. Plus de transcendance, refus (justifié) de l’examen, que deviendra le « chrétien athée », où trouvera-t-il le garant de sa morale ? Comte inventa une religion, qui ne pouvait pas réussir. L’éthique, pourtant, la régulation des désirs, le « non-vouloir », est immanente dans l’humain, aucune transcendance ne lui est nécessaire. Du temps de Maurras, on ne le savait pas encore. Remarquons toutefois qu’à la transcendance névrosante, nombre de nos contemporains ont substitué l’impuissance du psychopathe à ne pas se satisfaire. D’autres lui ont substitué la permanence névrosante de l’idéologie « bien-pensante ». C’est sans doute pire.
En revanche, j’ai hautement apprécié la section intitulée Le romantisme féminin, sous-titrée « Allégorie du sentiment désordonné ». Les écrits de quatre femmes de lettres de l’époque, Renée Vivien, Madame de Régnier, Lucie Delarue-Mardrus et la Comtesse de Noailles, y sont disséqués et Maurras nous indique, en toile de fond, les courants littéraires qui les sous-tendent. On voit défiler Baudelaire, Verlaine, Hérédia, Mallarmé, Huysmans, et bien d’autres, dans la confusion d’esprit issue de l’âge Romantique. On assiste à un épanchement sentimental sans pudeur, à la limite de Sapho et de la crudité quasi pornographique aujourd’hui banalisée. On respire, gêné, ces fleurs du mal et de la transgression.
Le diagnostic maurrassien nous importe et fait fructifier une longue analyse clinique savamment menée : « toutes les quatre méritent donc d’être rattachées à l’évolution littéraire et philosophique que résument les noms de Jean-Jacques Rousseau, de Chateaubriand et de Hugo. Ces têtes féminines, pleines de révolte pensive et de fiévreuses méditation, nous composeraient une formule aussi parfaite que complète du Romantisme. » Maurras nous rappelle que le Romantisme n’était pas, à l’origine, une divagation française ; Rousseau et Madame de Staël venaient de Suisse et « Lélia (Sand) compte parmi ses ascendants directs des Slaves et des Germains du sang de Maurice de Saxe. » Les quatre auteurs analysés « ne sont rien d’autre qu’une onde, la dernière, de cette invasion gothe qui se rua sur nous par l’échancrure de Genève et de Coppet. » Sans doute ; mais je crois que le psychotique Jean-Jacques ne fut qu’un grain de levain dans la pâte française qui l’attendait pour gonfler en une effroyable révolution. La Reine elle-même jouait mièvrement à la bergère. On alla « d’étrangeté en perversion. »
Maurras distingue le romanesque du romantique. Les têtes romanesques subissent la fiction, mais ne se flattent pas de dominer, « elles ne refont pas la morale pour la mettre au degré de leur emportement. » En revanche, « la sensibilité romantique est tout autre. Son caractère est de se croire et de se dire la règle de tout. » Ah ! Que cela fait écho à notre époque où des âmes éperdues, perdues de raison, cherchent à nous imposer leur féminisme extravagant ! « Très précisément, le romantisme naît à ce point où la sensibilité usurpe la fonction à laquelle elle est étrangère. » Maurras le prouve en citant Rousseau mettant en tête de ses Confessions une déclaration qui ne serait que narcissique s’il ne visait que lui-même, mais qui prétend à l’universalité ; « Ce ton d’autorité qui sacre « le bien » et « le mal », commente Maurras, comme émanations également divines du moi inaugure la morale du romantisme. Soyez bon ou mauvais, mais ‘avec franchise’ vous-même. La personnalité sincère, tout est là ! » Voilà donc le système où les romancières se jettent à corps perdu.
Il n’est, par conséquent, pas étonnant qu’aujourd’hui nous assistions désolés à un déshabillage cynique devant les médias, car ce désastreux romantisme et ses épanchements sans pudeur sont toujours présents en un siècle où l’empathie et la sensiblerie pathologiques ont remplacé la froide Raison. Et l’on voudrait nous imposer ces délires ! Maurras affine encore son diagnostic : « Au lieu de dire que le romantisme a fait dégénérer les âmes ou les esprits français, ne serait-il pas meilleur de se rendre compte qu’il les effémina ? » Ibi jacet lupus. Hugo lui-même, que l’on considère à tort comme une nature virile, « ce sanguin ne fut (…) qu’un paquet de nerfs. Son génie verbal nous témoigne d’un mode de sensibilité aussi féminine que celle d’un lakiste ou d’un lamartinien.»
La conséquence de cette maladie contagieuse, du Romantisme, est celle-ci : « (…) le Romantisme entraîna chez les mieux organisés un changement de sexe. » Mais oui ! Regardons autour de nous et sur les écrans plats toute cette faune interlope devenue unisexe -et les « théories » du genre sont incontestablement romantiques- où des mâles dévirilisés chantent à l’unisson des saphiques ! « Chateaubriand différa-t-il d’une prodigieuse coquette ? Musset d’une étourdie vraiment folle de son cœur ? Baudelaire, Verlaine ressemblaient à de vieilles coureuses de sabbat ; Lamartine, Michelet, Quinet furent des prêtresses plus ou moins brûlées de leur Dieu. » Vous, lecteur, n’aurez pas de peine à mettre les noms de certains de nos contemporains surfaits à la place de la « prodigieuse coquette », de l’étourdie, des coureuses de sabbat, des prêtresses fanatiques, de tous ceux qui « prêtent, par leur art, au travesti qui va si bien aux maîtres romantiques. »
Le féminisme fanatique procède de tout cela, et il me plaît de trouver chez Maurras ma propre assimilation des de Haas et consœurs aux Bacchantes. « (…) on peut se demander s’il doit y avoir des bacchantes. Ce féminisme exaspéré est-il utile ? » Certes, nous dit-il, « il ne faut pas exagérer la malignité du symptôme fourni par nos cafés ou nos cercles de femmes et quelques autres traits de mœurs américaines ou anglaises. » Toutefois, « il n’en est pas moins vrai qu’une société de femmes est en train de s’organiser… » Nous sommes en 1905 : qu’aurait écrit Maurras de nos jours ? Très certainement quelque chose de très approchant de ce qu’il écrivait à l’époque. Lisons la suite : « … un secret petit monde où l’homme ne paraît qu’en forme d’intrus et de monstre, de jouet lubrique et bouffon, où c’est un désastre, un scandale, qu’une jeune fille parvienne à l’état de fiancée, où l’on annonce un mariage comme un enterrement, un lien de femme à homme comme la plus dégradante mésalliance. Sous la Phœbé livide qui éclaire cette contrée, filles et femmes se suffisent et arrangent entre elles toute affaire de cœur. ».
Le risque lesbien, qui est marque au fer rouge de tout féminisme excentrique, est bel et bien, et tout autant, à l’ordre du jour que le risque pédérastique. Les médiastres, la presse dite « pipaule » nous montrent à tours de bras une bande de saltimbanques travestis. Rien n’a changé depuis que Maurras écrivait ces lignes, le monde mercantile des « managers » y a tout simplement ajouté « l’atrocité de son génie », ainsi que le disait Tocqueville de la Révolution. Voyez ces bacchantes dépoitraillées attaquer les cortèges de personnes ayant une étincelle de raison gardé en essayant d’endiguer les excès dévastateurs d’un romantisme poussé au paroxysme. À qui profite le crime ? Cui bono ? « La sensibilité surmenée ne peut que déchoir. Car la pente est fatale. »
Concluons avec Maurras : « Le plus innocemment du monde, un cœur trop exercé, et surtout trop replié sur son exercice, est ainsi résolu à se tromper sur lui, mais aux dépens des autres. Ses idées fausses le conduisent à un système de caprices durs et de volontés exigeantes ayant force de loi, devant lequel aucun amant ne sera sans crime. » « La femme n’est point ramenée dans son royaume par ce régime qui la précipite, au contraire, au but commun des ambitions de l’insurgée moderne : copier l’homme, jouer à l’homme, devenir un petit homme elle-même. » Tout est dit, et la race est en péril. Vouloir trop « être femme » conduit à tourner à « l’être insexué » et tyrannique.
Là où Maurras, par optimisme, s’est trompé, c’était de se demander si « le petit chœur tournoyant n’est pas soumis par la nécessité à une destruction rapide. » Il pouvait l’espérer en 1905. Mais la république, en 1914-1918, a mis les femmes à l’usine tandis que les poilus mourraient. La suffragette est devenue harpie. Les bacchantes tiennent le haut du pavé, leurs « évohé » sont amplifiés par les médiastres, elles ont émasculé la plupart des hommes. La réaction est prête, hélas non point portée par ce qu’il reste chez nous d’hommes virils, mais par la pire des religions que des cervelles humaines aient pu concocter.
Je lirai encore Maurras, si quelque bonne âme m’aide à acquérir ses Idées Politiques. En fait, les saltimbanques travestis sévissant au très superflu « ministère de la culture » l’ont condamné à la damnatio memoriæ sur des critères communistes de pétainisme : voilà qui montre leur ignorance fondamentale. Ils ne l’ont jamais lu et sont incapables de le lire. L’eussent-ils lu, et surtout compris, soit ils eussent été terrifiés du caractère subversif de ses écrits, car avec plus d’un siècle d’avance Maurras avait décelé une des racines du mal, soit ils eussent réfléchi à la perversion de leur époque, exposée à la lumière crue de l’analyse maurrassienne.
Charles Maurras est bien digne de notre mémoire.
Sacha
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Chez Books on Demand (BoD)

Excellente approche anthropologique de l'immense différence entre les femmes Russes et les horreurs quérulentes à cheveux bleus de chez nous.

Livre truculent, dont il faut retirer " la substantifique mœlle". Lorsque tout fout le camp, que faire ?
À lire pour rire et réfléchir !
Très instructif. À méditer !
D'où viennent-ils ? Qu'ont-ils vu ? Quel est le combat ?
Pensée et testostérone !



Insigne des Masques Jaunes :
adoptez-le, portez-le !






Bon ! À vos portefeuilles !





ASSEZ DE BARBARIE !!!

et toutes les formes de fascisme dont le socialisme.
Notre "antikons" a le droit d'aînesse :)
Que de tels mouvements naissent chez nous et dans toute l'Europe !