« Y a-t-il progrès humain ? » Tel était l’un des sujets de philosophie, en classe terminale, il y a bien longtemps. Nous nous relevions d’une guerre extrêmement meurtrière (même si elle était terminée depuis un quart de siècle), et l’on pensait qu’après les horreurs vécues comme un retour à la barbarie, le monde en reconstruction de ces Trente Glorieuses allait s’améliorer, parce que l’espèce humaine avait acquis désormais le sens de l’humanisme : « nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles« . D’ailleurs, nous ne manquions pas de prophètes. D’un côté, le communisme, qui se voulait porteur de progrès, et les révélations de Kroutchev sur le stalinisme n’avaient pas entamé la ferme conviction de nos chers intellectuels que le socialisme « scientifique » était l’Avenir où chacun après avoir reçu selon son travail recevrait selon ses besoins, où règnerait la grande Paix sereine. La Pax Sovietica, bien entendu, que de vilains trublions menaçaient à Prague. De l’autre côté, l’American Way of Life, se voulant tout aussi porteur de progrès, importé avec les GI’s et le Plan Marshall. Ça, nos merveilleuses élites n’en voulaient pas, mais peut importe : c’était la Pax Americana. L’idée générale du temps était que, oui, il y a eu « progrès humain », la preuve : les hommes pouvaient maintenant négocier sans se taper dessus, au sein d’un organisme appelé Organisation des Nations Unies, qu’un affreux Général osait traiter de « machin »!
On oubliait presque la guerre de Corée et cette guerre de conquête du Sud-Vietnâm par le Nord communiste, « une guerre juste » nous racontait-on. On oubliait la guerre froide. La chute de l’emporium soviétique a ramené à la surface quelques réalités du communisme qui n’avaient rien à envier à l’hitlérisme. Les crises financières, le 11 septembre et les attentats islamistes, faisant suite à ceux des extrêmistes de gauche comme Carlos ou la bande à Baader, ont douché froid les peuples. En réalité, nonobstant les tactiques et les moyens techniques employés, les moins idiots ont constaté que le monde était tout aussi dangereux et inquiétant qu’en des âges plus reculés. Les plus ingénieux parlent d’un « retour à la barbarie » ; comme s’il y avait eu un âge barbare, comme si nous devions confondre l’état transitoire d’une civilisation qui est la nôtre avec le « progrès humain » ! En fait, nous nous trouvons tout bêtement devant un choc des civilisations. L’histoire est comme la tectonique des plaques : elle creuse des rifts profonds entre civilisations contemporaines et en subvertit sous d’autres. Eh bien : cela a toujours été, et cela sera toujours tant qu’il y aura deux humains sur la planète.
Les imbéciles bien-pensant n’ont bien sûr rien compris à ce problème. Ils affirment toujours « le progrès ». Et pour ces ânes-là, le progrès humain consiste d’abord par renoncer à être soi-même pour survaloriser l’autre. Cette idée saugrenue est l’aboutissement d’un processus qui, par les prêches de la bien-pensance a d’abord culpabilisé le colonisateur face au colonisé qu’il soignait, nourrissait et instruisait, puis l’homme des pays riches face à celui du Tiers-Monde qu’il soutenait et soutient encore à grand renforts de subsides (pour un résultat lamentable), puis l’employeur local face à l’immigré, ce malheureux exploité, et enfin le citoyen autochtone, qu’une brave suppôt du terrorisme a baptisés « sous-chien » sans être inquitée, face à l’allochtone qui importe sa culture. Et peu importe si cette culture importée met en péril notre civilisation : il faut s’ouvrir à l’étranger, c’est cela le progrès humain. Ou, plus exactement, l’idéologie progressiste. Le progressisme, c’est très exactement l’excès mortel de la politique synallactique.
« Au Diable Vautrin et son vocabulaire (abs)con(s)« , direz-vous. Oui, mais je parle ici en anthropologue, engagé certes, mais anthropologue avant tout, et je ne peux me contenter d’approximations comme le font les philosophes up-to-date. Ceux qui fréquentent ChezRaoul depuis sa naissance savent opposer anallactique et synallactique. La synallactique, c’est la modification d’une société pour faire place à l’allochtone : on adapte les institutions, sans se départir d’une modération sans laquelle le groupe se dissoudrait. L’anallactique, c’est l’inverse : on demande à l’allochtone de devenir comme nous, sans se départir d’une modération sans laquelle le groupe serait trop exclusif. Il est évident que sans cesse au gré des configurations historiques se pratiquent tour à tour et simultanément la politique anallactique et la politique synallactique : toute société s’ouvre au migrant, soit en l’intégrant, soit en l’assimilant. Une société navigue constamment entre ces deux pôles. Mais il y a aussi des excès.
L’anallactique bien comprise, c’est le nationalisme, c’est-à-dire que l’on veut bien intégrer l’allochtone, pourvu qu’il respecte les lois fondamentales du groupe. Mieux encore s’il consent à s’assimiler : il n’y a rien de ridicule à ce que l’arrivant se réclame de « nos ancêtres les Gaulois » et seule les imbéciles ricanent dans ce cas, car ils ont cru relever une contradiction entre le jus sanguinis et le jus soli alors qu’il s’agit simplement d’une adhésion culturelle au groupe. En somme, n’est pas citoyen qui veut. L’excès d’anallactique n’est pas le nationalisme, c’est ce que l’on pourrait appeler l’ultra-nationalisme qui non seulement ferme le groupe, mais le rend intolérant aux groupes limitrophes. L’Histoire a fourni assez d’exemples pour qu’il ne soit pas besoin de développer plus avant.
La synallactique bien comprise, c’est aider l’intégration de l’allochtone, sans pour autant exiger qu’il s’assimile. On discute de son statut, et, compte tenu de la configuration historique, on peut modifier les lois, ou en étendre le champ. Si l’allochtone, par exemple, a besoin d’instruire ses enfants, on adaptera l’Ecole, on créera des classes de langue française, on aménagera des passerelles. S’il a une religion particulière, celle-ci sera traitée comme les autres, dans le respect de la Loi de 1905. Et ainsi de suite. On discutera sur son statut politique : citoyen ou pas ? Sur son statut de travailler : compétent ou pas ? L’excès de synallactique conduit à la dissolution des groupes; il me semble que l’Histoire Romaine offre un exemple frappant. Ce que l’on appellait jadis « les grandes invasions » qui ont précipité, avec, je pense, le Christianisme, la chute de l’Empire Romain n’ont aucunement constitué un front de bataille séculaire. Rome a intégré les Barbares, par vagues et souvent pacifiquement. Les premiers se sont assimilés, les suivants ne le firent pas, ou plus exactement adaptèrent le droit Romain à leurs pratiques. Rome ne s’effondra pas à la chute de Romulus Augustule, Rome n’était plus dans Rome depuis longtemps.
Or nous vivons une période de synallactique outrancière, conduisant à la destruction des nations. Inutile d’en développer longuement les aspects, le lecteur sagace les trouvera de lui-même. Anti-nationalisme féroce de l’europe technocratique, haine du « sous-chien », discrimination « positive », viol de la loi de 1905 sur la laïcité, abandon des prérogatives de l’Etat dans des zones livrées à la loi fondamentale de l’allochtone, tels sont quelques aspects politiques de ce que la bien-pensance progressiste appelle « progrès humain ». Il faut être sacrément stupide pour appeler cela « progrès » ! D’une part, l’idéologie progressiste, sans l’être exclusivement, est très largement le fait de ces personnages qui se disent « de gauche », persuadés qu’il peut y avoir « progrès humain », que l’humain peut modifier son fonctionnement. Nous allons voir tout à l’heure que c’est une naïveté. Mais d’autre part et en même temps, les progressistes ne peuvent que vouer aux gémonies ceux qu’ils baptisent « réactionnaires » -terme générique relevant souvent du reductio ad hitlerium- eux qui se croient « révolutionnaires » sans se rendre compte que « revolvere » signifiait « tourner en rond », c’est-à-dire le retour périodique du même. L’idéologie progressiste se pare des plumes de la « démocratie » et de la « liberté », mais elle ne cesse d’être inquisitoriale au point que de facto et, hélàs, de jure, tout discours non-progressiste est interdit. Plus de libre-examen, plus de convention, il faut renoncer à soi-même sous peine de prison.
La conséquence de cet excès de synallactique et de l’interdiction de critiquer, c’est une montée croissante du nationalisme -ce qui est une bonne chose en soi- mais aussi de l’ultra-nationalisme. En somme, ce monde de Bizounours, summum du « progrès humain » loué par les bien-pensants, se révèle à la fois tyrannique et mortifère, porteur d’une autre tyrannie ou, du moins d’affrontements sanglants. Pour avoir ignoré ces phénomènes anthropologiques, la société norvégienne a subi l’assaut d’un tueur -qui n’agissait probablement pas seul. L’intelligente Malika Sorel, dans son blog, remarque : « La question qui se pose à présent est de savoir comment la société norvégienne va réagir à la tragédie qui vient de se dérouler. Va-t-elle accepter de regarder la réalité en face ou va-t-elle, bien au contraire, saisir le prétexte de ce drame effroyable pour s’enfoncer encore un peu plus la tête dans le sable ? Il est évident que cet événement aura également des répercussions sur le « débat » en France. Oui, mais lesquelles ? Cette question ne cesse de me hanter depuis deux jours. Étouffer toute possibilité de débat, refuser que le sujet de l’immigration-identité ne soit traité, équivaut à bloquer la soupape de la cocotte-minute. C’est pourtant une évidence, un jour le couvercle sera soulevé, mais nul ne sait dire aujourd’hui comment il le sera. Les retombées dépendront alors de la pression qui aura subsisté à l’intérieur de la cocotte. » Voilà une réflexion intelligente, que l’on aimerait rencontrer plus souvent.
Ce synallactisme outrancier des progressistes bizounours se heurte à la réalité anthropologique. Le lecteur perspicace aura bien compris que cette navigation entre deux pôles est dans la nature même des sociétés, et que toute idéologie exacerbant les pratiques à l’un ou l’autre de ces pôles est catastrophique, le pire étant de confondre ces navrantes manœuvres avec un quelconque « progrès humain ». J’écoutais il y a quelques jours, sur France-Culture, une conférence d’Onfray sur le freudisme « de gauche », et j’y ai retrouvé ce que j’avais pressenti après la lecture de la « Psychologie collective et analyse du moi » : là où Freud voyait dans l’instinct de mort une constante de l’humanité, interdisant tout « progrès », un certain freudisme de gauche pensait que l’on pouvait éradiquer cet instinct. C’est cela, le progressisme, l’ignorance des causations anthropologiques. Je ne suis pas freudien, et ne crois pas que l’instinct de mort soit fondateur. En revanche, la clinique m’a appris que nos facultés fonctionnent selon trois « temps » logiques : la présence immédiate au monde, comme chez l’animal, une phase de négation structurale, une phase de réinvestissement performantiel, c’est-à-dire une présence médiate au monde. En matière sociologique, la « négation » fonde notre altérité, donc nos frontières, le « réinvestissement » fonde nos conventions, donc négocie nos frontières avec l’autre. Oui, on peut conclure provisoirement des arrangements, trouver un modus vivendi avec l’autre, mais cela n’efface jamais cette altérité dont seul les imbéciles pensent que l’on pourrait s’en débarrasser comme d’un corps étranger. Toute convention porte en elle les raisons de sa remise en cause, et cela fonde ce que nous appelons l’histoire.
Et cela est vrai depuis les débuts de l’humanité, très probablement. Il n’y a jamais eu, il n’y aura pas, il ne peut pas y avoir de « progrès humain » : le monde bizounours est aussi impossible que celui de la prétendue brute préhistorique. Nos sociétés depuis l’aube des hommes naviguent entre l’anallactique prenant parfois des traits schizoïdes extrêmes en réifiant les frontières, et la synallactique prenant -et c’est patent aujourd’hui- des traits paranoïdes extrêmes en prétendant renoncer politiquement aux frontières. Pour un homme raisonnable, les deux excès sont insupportables, et le progressisme, cette doctrine spécieuse, se révèle bel et bien être un totalitarisme nocif. Qu’il faut combattre malgré la chape de plomb que fait peser l’inquisition bien-pensante sur le libre-examen; avant que, comme le dit Malka Sorel, le couvercle de la marmite n’explose.
Sacha.
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Chez Books on Demand (BoD)

Excellente approche anthropologique de l'immense différence entre les femmes Russes et les horreurs quérulentes à cheveux bleus de chez nous.

Livre truculent, dont il faut retirer " la substantifique mœlle". Lorsque tout fout le camp, que faire ?
À lire pour rire et réfléchir !
Très instructif. À méditer !
D'où viennent-ils ? Qu'ont-ils vu ? Quel est le combat ?
Pensée et testostérone !



Insigne des Masques Jaunes :
adoptez-le, portez-le !






Bon ! À vos portefeuilles !





ASSEZ DE BARBARIE !!!

et toutes les formes de fascisme dont le socialisme.
Notre "antikons" a le droit d'aînesse :)
Que de tels mouvements naissent chez nous et dans toute l'Europe !