Ne pas substituer une bigoterie à une autre

les dieux petitC’est fatigant ! Nous bénéficions d’un extraordinaire soleil, et des imbéciles souhaitent le froid. C’est ainsi. Mais ce n’est pas cela qui me fatigue : c’est que des gens qui comme moi combattent l’islam s’imaginent que ce combat devrait se faire sous la bannière du Christ-Roi ! Dit autrement : pour combattre une bigoterie il faudrait s’enrôler dans une autre bigoterie. Trop, c’est trop ! Et nous autres, les athées, qui constituons une force considérable dans la lutte contre les barbares, on nous tient pour quantité négligeable. Pire : on nous accuse du déclin de la civilisation !

L’accusation est assez fréquente sur certains sites : d’après les bigots, c’est parce que nos sociétés auraient oublié les valeurs chrétiennes qu’elles seraient décadentes. Tenez : j’adore les « Brigandes », elles sont jolies et leurs chansons anti-jacobines me plaisent. Et patatras : en écoutant leur kapellmeister, Marianne, belle comme le printemps malgré son masque, je trouve le même argument que chez mes opposants sur les fora ! L’idée se résume à cela : hors de l’Église, point de salut ; c’est elle qui décide du Bien et du Mal. Corollaire : un athée ne saurait avoir de conscience morale d’où la dérive de notre civilisation.

Énorme confusion ! Il ne faut pas confondre la morale codifiée (donc faisant l’objet d’acception sociale), jouant le rôle d’entraînement et, portée à l’excès, celui de sur-moi introjecté de l’extérieur et générateur de névroses, avec l’éthique, cette capacité de régulation du désir que nous avons tous, croyants ou athées. Et même notre morale à nous autres athées, ne diffère que peu de la morale chrétienne dont nous sommes héritiers. Disons qu’une bonne part de la décadence vient surtout du fait que la corruption des idées a fait que l’on néglige de plus en plus d’exercer dès l’enfance cette capacité de régulation. Comme un muscle jamais sollicité finit par s’atrophier, l’éthique jamais sollicitée ne fait qu’induire de la psychopathie.

C’est précisément là le résultat de l’éducation socialiste laquelle, paradoxalement, s’ingénie à pondre des normes, interdits, contraintes, obligations, c’est-à-dire à remplacer l’éthique par un sur-moi dominateur, l’anthroponomie, et nous privant à la fois de responsabilité –politique- et de liberté –axiologique. C’est la bien-pensance soi-disant moderne qui a remplacé la bien-pensance du catéchisme des confesseurs. Inutile de relire la Généalogie de la Morale pour comprendre qu’avec leur Bien et leur Mal, le gentil pauvre et le méchant riche, il y a là des morales d’esclaves.

Á bigoterie, bigoterie et demi, donc : d’un côté une obsession de silice et de discipline, de l’autre une obsession de normativité. Se profile aussi, naturellement, l’ignoble charia des musulmans qui entend bien subvertir les deux autres. Toute religion, ai-je souvent dit, est mauvaise, l’islam étant la pire.

Mais il faut aller plus loin dans la réflexion. Je soutiendrai que le socialisme et la décadence existent dans le noyau dur du christianisme.

J’aime un certain passage de Saint-Paul : « Nous ne sommes pas restés oisifs, parmi vous, et nous n’avons pas mangé notre pain gratuitement l’ayant reçu de quelqu’un, mais dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé afin de n’être à charge à aucun d’entre vous. (…) Quand nous étions près de vous, nous vous donnions cette règle : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. » (2 Thessaloniciens, 3,7 et sq) Rien de plus éloigné de la pratique moderne, socialiste, de l’assistanat et de la prébende. Et pourtant… Au fil des siècles, tout se transforme, preuve que tout message n’a pas seulement un récepteur qui le refait, mais aussi in interprète qui le déforme.

Il n’en est pas moins vrai que les Évangiles comportent maintes paraboles flétrissant le riche et larmoyant sur le Pauvre. J’en compte dix abordant ouvertement le sujet : la compassion (Luc 10 :25-37), la dette (le méchant serviteur à qui on remet sa dette et qui zigouille son débiteur : Matthieu 18 :23-35), les débiteurs (le créancier remet sa dette à deux débiteurs, Luc 7 : 11-43), l’économe infidèle qui divise la dette par deux (Luc  16 :1-9), l’homme riche (qui amasse des trésors pour lui-même, Luc 12 :15-21), l’économe fidèle et avisé ( nous serions dispensateurs des richesses et non propriétaire, Luc 12 :42-48), le mauvais riche et le pauvre Lazare (Luc 16 :19-31), les ouvriers de la 11e heure (Matthieu 12 :1-16. La pire !), le pharisien et le publicain (dont un passage est repris dans La Carmagnole, « quiconque s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse sera élevé. Luc 18 :9-14), les talents (Matthieu 25 :10-13).

Bien évidemment, ces paraboles ont trois sens à côté du sens littéral : allégorique, tropologique (ou moral), anagogique. Il n’empêche : des tas de pignoufs n’ont retenu que le sens littéral et le sens moral, et en ont fait une condamnation de la richesse et de la liberté d’entreprendre. Dans sa Première Lettre à Lamartine, Frédéric Bastiat récapitule les prémisses du socialisme Fouriériste, école à laquelle Lamartine, poète et combinard politique, emprunte -par opposition à l’économie politique libérale-  « la chaleur de sa charité. » « Pour parler avec précision, lui rétorque Bastiat, vous deviez dire : «  J’emprunte à l’une le principe de la liberté, à l’autre celui de l’irresponsabilité. » En fait, ce n’est pas de liberté, mais d’autonomie qu’il faut parler, mais il est clair que, en plein accord avec ce qu’ils se sont approprié des paraboles, les socialistes ne voient dans la pauvreté que la conséquence de l’injustice, mais celles de la fainéantise, de l’impéritie, de l’incapacité intellectuelle sont superbement ignorées. Nous sommes tous frères donc tous égaux, il ne saurait y avoir de paresseux et d’imbéciles : quelle ânerie !

On voit que les principes fondamentaux du socialisme sont directement une déviance du christianisme ; avec toutes les conséquences désastreuses que nous connaissons aujourd’hui : prébendes publiques, dette astronomique, assistanat, pillage de la richesse produite, appauvrissement général.

Pire : dans la période actuelle, jamais on n’a autant pratiqué, dans certains milieux, cette recommandation attribuée au Christ : «  Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui l’autre » (Matthieu 5 :39). Drôle de philosophie, car quiconque ne résiste pas à l’iniquité s’en fait complice. Nous en avons vu maints exemples au cours de l’Histoire, et les cruautés infligées par les djihadistes à tous ceux – chrétiens ou zoroastriens, musulmans même- qui ne suivent pas leurs mœurs et croyances infernales en sont un exemple contemporain. Le laxisme tue, provoque des holocaustes, se fait complice de l’iniquité et de la barbarie.

Cette attitude d’esclaves fait que nos sociétés occidentales, éperdues de tolérance, se laissent facilement subvertir par des idées barbares d’importation. Même s’il est beau de préférer le rachat et le repentir à la mort du pécheur, il est des moments où le pécheur est tellement dangereux qu’il vaut mieux lui appliquer la loi du Talion améliorée : « pour un œil, les deux yeux, pour une dent, la mâchoire. » Faute de quoi, une civilisation périt, ses valeurs se délitent. Tu balances des roquettes dans mon jardin ? Fort bien, je vais dévaster le tien si tu continues. Cela me paraît équitable.

Le laxisme est aggravé par l’idéologie de l’œcuménisme. Voyez, nous disent les papes et les épiscopats, nous pouvons nous comprendre et nous entendre avec les musulmans, parce que nous adorons le même Dieu. Colossale erreur : si tous vénéraient un même Dieu, il n’y aurait pas besoin de fabriquer des religions différentes. En fait, Yahvé des Juifs n’est pas du tout le Dieu des chrétiens et encore moins Allah des musulmans. Se référer à la Bible est une bêtise, car chaque religion en a fait son propre ragoût : la promesse du Sauveur n’est pas encore accomplie pour les uns, elle l’est pour les autres, elle n’a pas lieu d’être pour les musulmans qui ne voient en Issah qu’un dernier prophète avant le supposé rédacteur du Coran. Mais même au sein de la chrétienté, selon les chapelles ce n’est pas le même Dieu : catholiques, protestants, orthodoxes partagent une même mythologie, sauf sur certains points de détail, mais ne s’entendent pas sur les détails. Sur l’ensemble non plus, je crois. C’est pour cela qu’ils existent en confréries séparées. L’œcuménisme est un piège à naïfs : il y a, en permanence, des conflits religieux, même en un siècle où l’on aurait pu penser que la Raison l’emporterait. Nous en sommes bien loin.

Ce que je vous raconte est une vieille querelle multiséculaire. Mes thèses ne sont pas nouvelles, elles ont eu leurs laudateurs et leurs contempteurs. Et, franchement, il n’y a pas moyen d’en sortir, de la querelle, sauf à regarder ailleurs.

Évidemment, il y a toujours eu des paris stupides. On demandait toujours au pauvre porteur d’eau de se contenter du quique suum – à chacun le sien- parce que dans le Royaume, là, attention ! Il sera l’égal des rois et des prélats. C’est ce que racontaient les danses macabres peintes sur certains cimetières du Moyen Âge, où tous les ordres de la société étaient égalitairement entraînés dans la mort. Ou encore la métempsychose : je suis paria, mais tu vas voir dans ma prochaine réincarnation, je serai rajah !

L’affaire est bien connue : dès 1840, un gars appelé Ludwig Börne écrivait : « Bénie soit une religion, qui verse dans l’amer calice de l’humanité souffrante quelques douces et soporifiques goûtes (sic) d’opium spirituel, quelques goûtes d’amour, foi et espérance ». Ce n’est pas le barbu Marx qui a découvert la chose théologico-opiacée. Quiconque suit aveuglément les Préceptes sera récompensé dans l’au-delà. La illah ya allah, et t’as pas intérêt à adorer autre chose, et puis tu honoreras tes vioques, tu ne tueras pas, tu ne lutineras pas la femme du voisin, tu ne voleras pas et ainsi de suite, voilà ton ticket pour le Paradis. Ça ne va pas loin, c’est du pharisianisme. Mais pour certains fanatiques, on n’en est même pas sûr que ça marche ! Il faut être prédestiné et avoir la Grâce pour être sauvé. C’est ce qu’ont interprété les Jansénistes des écrits de Saint Augustin. Autrement dit : tu auras beau suivre fidem cum operibus – la foi et les œuvres-, te conduire comme un Juste, si tu n’as pas la grâce du rôtiras en Enfer. Ce qui fait de Dieu un type désinvolte.

Là, c’est carrément la crainte. Précisément parce que ça ne colle pas avec le rôle social d’opium que se donnent les religions. Voyez Pascal : il n’a pas écrit que des âneries, surtout dans ses traités de physique et de mathématique. Son Histoire de la roulette et ses Expériences touchant le vide sont des ouvrages excellents. Et puis à un moment donné il fait un délire mystique : « Feu ». Bon… Mais où est le pari stupide ? Pas dans le Mémorial, mais ici : «  Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, en choisissant l’un que l’autre, puisqu’il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant choix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. » Désolé, mon Blaise : si l’on perd, on perd aussi ce que l’on a de tangible, le monde, si pourri soit-il. Et l’on n’a rien d’autre de sûr. Il y a quelque chose de vicié et de stupide dans ce pari, puisque Dieu est désinvolte : si vous n’avez pas la Grâce, c’est foutu. Alors à quoi bon se mortifier dans ce monde ?

Les religions se veulent le couronnement de l’ordre social établi, lorsque ce n’est pas même un ordre établi par elles-mêmes, comme on le voit dans la charia musulmane. Elles visent à sa conservation, en donnant une singulière –je veux dire relative – conception de l’équité. Ah, me dira-t-on, qu’est-ce que l’équité ? Rien de mieux qu’une valeur : l’état social que je vis me convient (il est équitable) ou ne me convient pas (il est inéquitable). Ça n’a rien à voir avec la justice ni avec l’égalité : si aujourd’hui je suis traine-savate et si  je puis, lors d’un prochain avatar, être calife, ou Bienheureux comme un évêque, ou si on me refile soixante-douze vierges, ça me va, c’est dans l’ordre des choses, c’est la Volonté Divine, on me fout la paix et je fous la paix à tout le monde. Ça conserve l’ordre, puisque personne ne rouspète.

Ça, c’est une première forme du pari stupide. Mais il y en a une seconde, qui nous paraît contemporaine, mais qui aussi vieille que l’autre. On se dit : fort bien, la Jérusalem céleste n’existe pas, ou elle n’est pas pour notre nez, alors fabriquons-la sur la Terre. Ce pari stupide, c’est le socialisme.

Les bases sont les mêmes. J’ai cité précédemment toutes les paraboles faisant du riche un méchant : mais c’est exactement le socialisme, qui depuis cet imbécile paranoïaque de Rousseau proclame que « la propriété c’est le vol ». Aucun socialiste n’est capable de comprendre que la Personne, c’est à la fois l’être et l’avoir. L’idée générale est celle-ci : la propriété est à l’origine des inégalités, donc supprimons-la, et tout le monde, du balayeur au PDG, sera égal. Cela aboutit au collectivisme dont les effets constatés – puisqu’il y a eu des expériences historiques – sont l’appauvrissement généralisé. Il est vrai qu’il y a des gens, Savonarole des temps modernes, qui trouvent que la pauvreté c’est très bien : «Beati pauperes spiritu quoniam ipsorum est regnum caelorum » - heureux les pauvres EN esprit car le royaume des cieux leur appartient. Il ne s’agit pas des idiots mais de ceux qui méprisent ce que nous avons : les biens de ce monde.

Donc on prône un renoncement à l’entreprise et au profit légitime pour instaurer sur Terre un royaume de justice et d’égalité. C’est en cela qu’il s’agit d’un pari stupide, car cela équivaut à rechercher l’égalité dans la pauvreté plutôt qu’une inégalité enrichissante, en fin de compte, pour tout le monde. De plus, l’égalité n’étant ni dans la nature ni dans la culture, il est inévitable que s’édifie dans une société prétendument égalitaire un groupe de personnages constituant une nomenklatura, une caste privilégiée qui, loin de s’approvisionner au goum des prolétaires, trouve des richesses à consommer dans des structures spécialisées.

Le socialisme installe une hiérarchie assez semblable à celle des Églises avec ses curés, ses prélats, son pape. Ce sont les gens à qui le « seigneur Peuple » consulté de temps en temps est censé déléguer son pouvoir, en réalité octroyer un blanc-seing qui les laisse parfaitement libres de voter des lois selon la ligne générale. Et en toute impunité, puisque l’élu est irresponsable. En bas, donc, le peuple qui subit et n’a plus d’espoir que dans les promesses fallacieuses de lendemains qui chantent.

Il bien est vrai que le socialisme s’inspire d’une distorsion de la notion de charité religieuse. Rappelons Saint Paul et son épître aux Thessaloniciens : « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. ». Or le socialisme s’inspire plutôt texto de la parabole des ouvriers de la onzième heure. Un système d’assistanat et de prébendes s’est mis en place, de telle manière que celui qui ne veut pas travailler vit gratuitement aux crochets de ceux qui œuvrent. La sécurité sociale, les allocations versées à des chômeurs professionnels, à de faux réfugiés et véritables envahisseurs, sont autant de moyens pour y arriver. Eh quoi ! Feraient-ils un effort pour revenir dans le cycle normal de l’économie sociale, alors qu’ils vivent d’argent public ?

Je vais être franc : à part de terribles accidents de l’existence, maladie, blessure grave, nous sommes très exactement responsables de ce que nous sommes. Inutile de chercher des boucs émissaires pour nous avoir faits ramasseur de mégots ou balayeurs de latrines. Et il est profondément immoral de demander aux autres de compenser par la redistribution les conséquences de notre faiblesse d’esprit et de notre paresse. Surtout si nous nous y complaisons ! Car alors notre attitude ne peut que nous procurer une foule de plus en plus dense d’acolytes claquant du bec comme nous : c’est cela, la conséquence à terme du pari stupide dans sa version temporelle. Le socialisme est un autre opium du peuple.

Les discours  des chrétiens et du socialisme se rejoignent donc, ce qui n’a rien d’étonnant si l’on a suivi mon raisonnement, et la décadence a commencé avec celle de Rome par le fait de la secte du Poisson. Alors  il n’y a pas à se ranger sous la bannière ni du Christ-Roi ni sous celle de l’athéisme pour combattre la barbarie  islamique : il suffit d’être  homme, c’est-à-dire autonome et libre –maître de son désir. Et à ceux qui croient encore que la dispute entre athées et chrétiens est première à la bagarre contre les musulmans, je rappellerai ce vers de ce vieux stalinien d’Aragon, qui pour une fois avait raison : « quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat » !

Sacha

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