Hit the road, Salamane…

FlambubuJe vomis les chansons républicaines, mais pour le coup je retiens ce passage du Chant du Départ : « rois ivres de sang et d’orgueil ». Un roi des chameliers, on le sait, possède une villa à Vallauris Golfe-Juan (Alpes-Maritimes) où il devait camper une bonne partie du mois d’août. L’invasion du potentat  avait entraîné la «privatisation» de la plage publique de la Mirandole voisine de la villa. Avec, bien entendu, puisque les potentats de Paris sont d’une servilité exemplaire à l’égard des grands démocrates pétroliers d’Arabie, un dispositif policier considérable pour protéger l’intimité des caravaniers. Sauf qu’on n’a pas admis qu’une fliquette participe à ce dispositif tellement indispensable en période Vigipirate. Une pétition en ligne contre la confiscation de la plage a recueilli plus de 150 000 signatures. Tout ceci n’est qu’un rappel des faits.

Or voici que Le Parisien annonce : le potentat islamique s’est envolé pour le Maroc. D’où des supputations : et si c’était à la suite d’un « incident diplomatique » consécutif à l’agacement de Sa Proéminence devant la fronde des frangaouis qui n’acceptent pas le fait accompli du détournement de l’espace public au profit d’un riche tyran chamelier ? On se perd en conjectures. Car le gusse devait rester jusqu’au 20 août, et voilà que les pythonisses estiment qu’il n’y a que 30% de probabilité (je ne peux tout de même pas écrire « de chances », en l’occurrence)  pour qu’il revienne. D’ailleurs la remigration bat son plein : quelque 500 vizirs de  la « délégation » étaient déjà partis dimanche après-midi par d’autres vols que celui de leur maître. Bien, bien. Voilà un exemple à suivre, Messieurs des Banlieues et autres refuges.

Seulement voilà : un nabab arabique, dans le coin, ça fait tourner le commerce. Oh ! Pas le petit commerce, non, mais celui qui fourgue de la luxueuse pacotille, verroterie civilisatrice, aux Grands de ce Monde. Alors, si les citoyens pétitionnaires peuvent se réjouir civiquement de voir décamper les trublions, les marchands du Temple, eux, renaudent vilain : « C’est sûr qu’on aurait aimé qu’il reste un peu plus et que l’on ne peut s’en réjouir. Le séjour de 10 à 15 jours représente 6 à 7 millions d’euros de chiffre d’affaire rien que pour l’hébergement.» Moi, je veux bien, mais si c’est aux dépens de la propriété publique, comme dans le cas de la plage, il y a motif à rechercher des pouilles dans le cottage !

Enfin, tout n’est pas perdu, hein : «Certes, il y aura moins de retombées économiques que s’il était resté plus longtemps mais nous ne sommes pas inquiets. Cela a fait un énorme coup de projecteur sur Cannes. Certains ont réservé parce qu’il était là», estime un monsieur bien placé. Oui, un énorme coup de projecteur qui éclaire prodigieusement les micmacs de la république hollandienne avec les rois du pétrole. Et l’on reste confondu devant cette déclaration, summum du faux-cul : « On est désolés pour les fleuristes, coiffeurs, détaillants de la rue d’Antibes, poseurs de faïence, artisans qui ont travaillé pour le roi». Là, ça fait bien, les Pharisiens condescendants envers le petit peuple des artisans mandé comme valetaille pour le confort des califes. Ça fait bien, c’est branché, même si l’on s’en fout comme de sa première chaussette.

Moi, je ne puis que me réjouir si un roi qui tient en laisse ses caniches occidentaux a effectivement détesté la fronde des citoyens : d’une part, il constate que chez les infidèles il y a des citoyens, des vrais, qui refusent le fait accompli ; d’autre part, la fronde montre que quelques citoyens ne jouent pas le jeu pourri des carpettes gouvernementales et de leur administration. Enfin, je pense qu’aucun roi de l’un ou l’autre des pays d’Europe n’aurait eu l’outrecuidance de ce tyran digne de Tintin au pays de l’or noir. Vous imaginez, vous, Sa Gracieuse Majesté Elizabeth II accaparer une plage publique ? On dit qu’Amin Dada, à un souper donné par la Reine, aurait englouti l’eau de son rince-doigts : Élizabeth, un peu surprise mais très polie, l’aurait imité pour ne pas le gêner. Il y a ainsi des rois civilisés et des rois sans gêne qui se croient tout permis, y compris de faire des moulinets meurtriers avec le sabre de leur prétendu prophète.

Raymond

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